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LE PROCÈS DE GALILÉE

sans le vouloir, il avait présenté avec trop de force les argumens favorables au système de Copernic, tout en ayant d’intention de le réfuter, et qu’il avait pu induire ainsi le public en erreur. Il se déclarait « prêt à réfuter l’opinion de Copernic par tous les moyens les plus efficaces que Dieu mettrait en son pouvoir. » Ces paroles, que lui avait sans doute dictées l’humanité du père-commissaire, eurent pour résultat de lui faire obtenir un commencement de liberté. Le soir même, on le renvoyait au palais de l’ambassadeur de Toscane, afin qu’il pût y recevoir des soins que réclamait sa santé.

N’oublions pas, en effet, qu’à l’humiliation de répudier ses opinions les plus chères, de mentir à sa pensée, de se voir traité en criminel après avoir honoré son pays et l’esprit humain par ses travaux, se joignaient pour lui des plus cruelles souffrances physiques. On ne lira pas sans émotion l’appel qu’il adressait à ses juges à la fin de sa défense écrite. « Il me reste à faire valoir une dernière considération : c’est l’état de misérable indisposition corporelle auquel m’a réduit une perpétuelle angoisse d’esprit, pendant dix mois continus, avec les incommodités d’un voyage long et pénible, dans la plus horrible des saisons, à l’âge de soixante-dix ans… J’ai foi dans la clémence et la bonté des éminentissimes seigneurs qui sont mes juges ; j’espère que si, dans l’intégrité de leur justice, ils estiment qu’il manque quelque chose à de si grandes souffrances pour égaler le châtiment que méritent mes fautes, ils voudront bien, à ma prière, en faire grâce au déclin d’une vieillesse que je leur recommande, elle aussi, humblement. »

Parmi les documens inédits que publie M. Dominique Berti figure une pièce d’une importance capitale. C’est le résumé du procès contenant l’énumération non-seulement de ce qui a été décrété, mais de ce qui a été fait. Après avoir lu un texte si clair, qui prête si peu à l’équivoque, sauf en un point, qui s’accorde d’ailleurs parfaitement avec d’autres documens authentiques, il n’est plus permis de supposer, comme on le faisait charitablement, comme l’admettait M. Trouessart lui-même, que les derniers actes du procès aient été une pure formalité, que Galilée n’ait été menacé de la torture et condamné à l’abjuration que sur le papier. Un décret du pape, daté du 16 juin, ordonne, qu’au lieu de s’en tenir à un simple examen sur l’intention, comme l’avait espéré le commissaire du saint-office, on procède à un interrogatoire avec menace de la torture, si l’accusé peut la supporter[1] ; on exige de lui l’abjuration et on le

  1. Nous interprétons trois mots assez obscurs du décret pontifical, ac si sustinuerit, dans le sens que leur attribue M. Dominique Berti, en les confrontant avec la traduction italienne du même passage, publiée par lui pour la première fois. M. Th. Henri Martin les traduit autrement, non sans avoir de bonnes raisons à faire valoir. Il y a ici matière à discussion. C’est un point qui reste obscur, même après la publication du tous les documens du procès.