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LE PROCÈS DE GALILÉE

Une attaque directe et personnelle, inspirée par un excès de zèle, suivit de près ces premiers soupçons. De retour à Florence, Galilée avait repris ses travaux dans l’aimable solitude de Beauregard, que lui ménageait la généreuse hospitalité du grand-duc ; il y recevait des amis et des disciples qui, au sortir de leurs entretiens, propageaient ses doctrines. Un dominicain, Thomas Caccini, en prit ombrage, et, prêchant à Sainte-Marie-Nouvelle sur le miracle de Josué, s’écria tout à coup au milieu de son sermon : Viri Galilœi, quid statis aspicientes in cœlum ? Ce moine avait sans doute entendu parler d’une conversation tenue à la cour, en présence de la grande-duchesse mère, Christine de Lorraine, et de l’archiduchesse Madeleine d’Autriche, où le père Castelli, élève de Galilée, avait essayé de montrer, à la grande satisfaction de ses auditeurs, qu’on pouvait croire au mouvement de la terre sans révoquer en doute l’authenticité du miracle de Josué. Sur ce sujet, Galilée écrivit à son disciple une lettre fameuse où il revendiquait nettement les droits de la science, en réservant tous ceux de la religion. C’étaient, suivant lui, deux domaines séparés qu’il ne fallait pas confondre indiscrètement.

« L’Écriture sainte, disait-il, ne peut ni mentir ni errer, mais elle a besoin d’interprétation, car si l’on s’en tenait au sens littéral des mots, on y trouverait non-seulement des contradictions, mais des hérésies et des blasphèmes, puisqu’il serait nécessaire de donner à Dieu des pieds, des mains, des oreilles, de le supposer sujet aux mêmes passions que les hommes, à la colère, au repentir, à la haine, et, à d’autres momens, d’admettre en lui l’oubli du passé et l’ignorance de l’avenir… Puisque l’Écriture a constamment besoin d’interprétation pour expliquer que le vrai sens des mots est très différent de leur signification apparente, il me semble que dans les discussions scientifiques elle ne devrait être invoquée qu’en dernier lieu. En effet, l’Écriture sainte et la nature procèdent également du verbe divin, l’une étant la dictée, de l’esprit saint, et l’autre l’exécutrice des ordres de Dieu ; mais il convenait que dans les Écritures le langage s’accommodât à l’entendement du peuple, en beaucoup de choses où l’apparence est fort différente de la réalité. La nature au contraire est inexorable et immuable ; elle ne s’inquiète nullement que les raisons et les voies cachées par lesquelles elle opère soient mises ou non à la portée de l’intelligence des hommes, parce qu’elle ne franchit jamais la limite des lois qui lui sont imposées. Il semble donc que, quand il s’agit des effets naturels qu’une expérience sensible nous met devant les yeux, ou que nous concluons de démonstrations nécessaires, on ne peut en aucun sens les révoquer en doute par des passages de l’Écriture qui sont susceptibles