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LE PROCÈS DE GALILÉE

I.

La piquante histoire des pérégrinations et de la destinée finale du manuscrit du Vatican n’est que la préface d’une histoire beaucoup plus importante, dont nous allons essayer de retracer les incidens, sans parti-pris, en ne nous attachant qu’à découvrir et à faire ressortir la vérité. Galilée, célèbre dès sa jeunesse par la beauté de ses découvertes et par l’éclat de son enseignement à l’université de Padoue, comblé d’honneurs à Venise et à Florence, admiré dans toute l’Italie, poursuivait le cours de ses grands travaux avec la hardiesse d’un homme assuré de sa force et de sa gloire, lorsque de légers symptômes l’avertirent sans doute qu’il ne lui serait pas inutile, pour la sécurité de ses recherches, de se concilier les bonnes grâces du sacré-collège. Il partit donc en 1611 pour la ville éternelle, sans inquiétudes avouées, mais avec l’ambition et l’espérance d’intéresser à ses découvertes les personnages les plus influens de la cour de Rome. Il arrivait au moment décisif de sa carrière, il n’avait pas encore été inquiété par les objections des théologiens ; mais en approfondissant ses études sur la constitution de l’univers il touchait à des questions délicates qu’il ne pouvait se flatter de traiter librement s’il n’obtenait d’avance la sympathie ou tout au moins la neutralité de l’église. La cour de Rome exerçait alors une telle autorité morale en Italie et particulièrement à Florence, où vivait Galilée, qu’on attendait en quelque sorte qu’elle se fût prononcée avant d’accepter les conclusions astronomiques les mieux établies. Le grand-duc de Toscane n’avait pu que s’applaudir de la découverte des satellites de Jupiter, annoncée dans le Sidereus nuncius ; il la croyait d’autant plus authentique, que les astres nouveaux venaient de recevoir le nom de sa famille, et cependant son propre secrétaire était obligé de convenir qu’elle ne serait acceptée par le consentement unanime du monde savant qu’après avoir été vérifiée et approuvée à Rome. Là siégeait, sous le nom de Collège romain, un véritable tribunal, à la fois scientifique et théologique, dont les arrêts faisaient loi dans les pays catholiques.

Galilée, qui avait infiniment d’esprit et un grand usage du monde, s’était ménagé d’avance à Rome les meilleures et les plus puissantes relations. Il y allait d’ailleurs en quelque sorte avec un caractère officiel, aux frais du grand-duc, et il y recevait l’hospitalité chez l’ambassadeur de Toscane. Les prélats, les cardinaux, les princes romains se disputèrent l’honneur d’offrir des fêtes et des banquets au plus glorieux représentant de la science italienne. Chez