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prêtresse, couvrant ces grossiers excès du ton de la plus stupide dévotion ; c’est la tartuferie sensuelle érigée en dogme. On a souvent reproché au célibat ecclésiastique de trop faciliter ces sortes d’excès, et c’est pourquoi le protestantisme a voulu un clergé marié ; mais le mariage sacerdotal ne serait ici qu’un encouragement sacré à un double libertinage, un droit supérieur d’introduire le prêtre et la prêtresse dans les ménages des fidèles.

Voyons d’abord ce couple sacerdotal remplir sa mission de tutelle et d’autorité en surveillant et en régularisant le divorce. « Le couple sacerdotal, nous dit-on, lie ou délie l’homme et la femme ; c’est lui qui consacrera leur union ou leur divorce. » Jusqu’ici, rien à dire ; mais l’autorité du prêtre (homme et femme) n’est pas seulement morale, elle est encore « sensuelle, charnelle, » car il faut toujours faire une part égale à la chair comme à l’esprit. Le prêtre (entendons-le toujours des deux sexes) agira non-seulement par l’intelligence, mais encore « par la beauté. » Il ne suffit pas d’une direction spirituelle, il faut « une influence charnelle, » une éducation « par l’esprit et par les sens. » Tout cela est encore un peu vague, nuageux et voilé à dessein ; mais quel peut être le sens des paroles suivantes : « La foi spirituelle que le couple sacerdotal excitera ne l’entraînera pas au charlatanisme ; l’attrait charnel ne dégénérera pas en libertinage. Tantôt il calmera l’ardeur inconsidérée de l’intelligence ou modérera les appétits déréglés des sens ; tantôt au contraire, il réveillera l’intelligence apathique, ou réchauffera les sens engourdis, car il connaît tout le charme de la décence et de la pudeur, mais aussi toute la grâce de l’abandon et de la volupté… Il (toujours le couple sacerdotal) impose la puissance de son amour aux êtres qu’un esprit aventureux ou des sens brûlans égarent, et il reçoit d’eux l’hommage d’une pudique tendresse ou le culte d’un ardent amour. Je parle du couple ; ce que je dis pour le prêtre, je le dis aussi pour la prêtresse. Et maintenant, si l’on me demande quelle est la limite que je pose à l’influence que le prêtre et la prêtresse exerceront sur les fidèles, moi homme, moi seul, je n’en pose aucune ; la femme parlera[1]. »

En résumé, « les couples aux affections profondes restent unis, en général, pour la vie ; les couples aux affections vives changent,

  1. Citons encore ce passage de la lettre à Mme Enfantin : « On a reproché aux prêtres chrétiens l’envahissement du lit conjugal : on a eu tort et raison ; raison, parce que leur dogme et leur pratique les rendaient incompétens ; tort, parce que malgré leur célibat, leur conseil était encore plus favorable à la femme, au faible, que ne l’aurait été le conseil d’un guerrier… Et maintenant, mère, tu me demanderas jusqu’à quelle limite l’expression charnelle de cet amour du prêtre et de la prêtresse ira dans certains cas ? .. Je conçois certaines circonstances où je jugerais que ma femme seule serait capable de donner du bonheur, de la santé et de la vie à un de mes fils en Saint-Simon, de le réchauffer dans ses bras caressans… »