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moléculaires qui concourent à la composition des êtres inorganiques. Si la loi de la pesanteur suffit à rendre raison de l’activité du système solaire et même des autres systèmes stellaires, la loi des affinités, mise en jeu par les réactifs, suffit également à expliquer l’activité des atomes invisibles qui forment la substance des corps. La prétendue inertie de la matière n’est pas plus que l’étendue une véritable propriété des corps : c’est une loi d’équilibre entre les forces composantes qui fait que tout mouvement tendant à changer la position d’un corps est impossible, sans l’action extérieure d’un autre corps étranger. Cette loi purement mécanique ne s’applique qu’aux rapports des corps entre eux ; elle n’a rien à faire, s’il s’agit des mouvemens internes et tout spontanés qui agitent l’intérieur de ces corps. La vérité prévue par Leibniz, célébrée par Diderot, établie et consacrée par la science expérimentale, c’est que toute matière est active par elle-même, ou pour mieux dire, que toute matière est force par essence, que toute substance se réduit à une force, de même que toute propriété se ramène à un mouvement. Force et mouvement ; voilà le dernier mot de l’analyse, l’alphabet de la langue de la science et de la philosophie. Le jour n’est pas loin, nous le croyons, où en dépit des abstractions scolastiques et des préjugés vulgaires, nul philosophe, de même que nul savant, ne s’écriera plus, comme Rousseau et tant d’autres écrivains éloquens : qui a suspendu ces globes sur nos têtes ? Qui a donné le branle à cette immense machine de l’univers ? Qui a fait sortir le mouvement de l’inertie, la vie de la mort ? S’il reste un problème à résoudre, c’est le problème, non de la cause du mouvement, mais de la cause de l’ordre qui le régit dans le monde inorganique.

Dans le monde organique, le mouvement, c’est la vie. Ici le problème change. La physique et la chimie ne permettent pas de douter que le mouvement soit inhérent aux élémens des corps bruts. Il n’est point aussi facile de concevoir comment la vie peut sortir de l’organisation des élémens des corps vivans. Leibniz l’avait déjà expliqué par la théorie des monades, mais l’observation et l’expérience manquaient à ses conclusions. Il fallait les études de la micrographie contemporaine pour établir la vérité contenue dans cette théorie. Or il est une chose démontrée par les vivisections de la physiologie expérimentale et les observations de l’anatomie microscopique, grâce surtout aux travaux de MM. Claude Bernard et Charles Robin ; c’est que les êtres vivans sont des agglomérations de particules infiniment ténues et délicates, véritables monades vivantes sous la forme de cellules. Ces unités actives déterminent, par des unions multiples, toute l’organisation et tout le fonctionnement des parties animales et végétales. Animaux et plantes ne sont plus des machines animées par cette puissance distincte que l’école