à l’accroissement des produits. » Or d’un côté il faut convenir que les propriétaires ne vendent pas leurs services à bon marché : il suffit pour cela de considérer la large part qu’ils s’attribuent dans la répartition. D’un autre côté, les crises périodiques et les catastrophes fréquentes qui désolent l’industrie donnent à penser que les propriétaires apportent peu de lumières dans l’exercice de leurs fonctions. Il est facile du reste de s’en assurer en se demandant quelles seraient les conditions d’une bonne et sage distribution des instrumens de travail. Il faut d’abord qu’ils soient répartis en raison du besoin de chaque localité et de chaque branche d’industrie, puis en raison des capacités individuelles, enfin que la production soit organisée de manière à n’avoir jamais à redouter ni disette ni encombrement. La distribution des instrumens de travail est une fonction sociale, comme l’éducation, la justice et la guerre. Il faut qu’elle soit organisée. Pourquoi l’industrie destructive serait-elle organisée, et l’industrie productive ne le serait-elle pas ? L’état seul connaît les besoins militaires du pays : pourquoi serait-il incompétent pour les besoins industriels ? Les distributeurs actuels sont ignorans, isolés, ont des intérêts opposés ; ils ne connaissent ni les besoins de la production, ni ceux de la consommation. L’état actuel de libre concurrence rappelle les guerres privées du moyen âge, les grandes compagnies, la course, en un mot toutes les institutions d’un temps où la guerre était individuelle au lieu d’être sociale. Lorsque la royauté a enlevé aux barons le droit de guerre pour se le réserver à elle seule, lorsqu’elle a substitué l’armée nationale aux armées féodales, elle a soulevé autant de protestations qu’aujourd’hui ceux qui combattent la féodalité industrielle et veulent la remplacer par un gouvernement national de la richesse.
La conséquence de toute cette déduction, c’est que l’affranchissement du prolétariat ne peut se faire que par un dernier progrès, qui consiste « à transporter le droit de succession de la famille à l’état, » en d’autres termes par l’abolition de l’héritage. C’est par cette doctrine que le saint-simonisme croyait donner un sens net et pratique aux protestations vagues de Saint-Simon contre les oisifs : celui-ci signalait le mal, mais il n’avait pas trouvé le remède. L’héritage est aujourd’hui le dernier refuge de l’oisif. Il n’y a plus qu’une seule hérédité, celle de la fortune. Détruire cette hérédité, le droit du mérite personnel subsiste seul : « le travail devient le seul titre de propriété. »
Nous voici donc revenus, dira-t-on, au système de Babeuf, au communisme, à la loi agraire. Non, répondaient les saint-simoniens. Ils repoussaient même ce système avec autant d’énergie que le régime actuel. Ils le combattaient par les mêmes raisons qu’on a toujours invoquées contre lui. Dans ce système, disaient-ils, où toutes