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LE
SOCIALISME MODERNE

L'ECOLE SAINT-SIMONIENNE. - BAZARD ET ENFANTIN[1]

Œuvres de Saint-Simon et d’Enfantin, 1865-1876.

Saint-Simon, en mourant, laissait après lui quelques amis, mais non une école. Parmi ceux qui étaient alors réunis autour de lui, la plupart, sauf Olinde Rodrigues, ne firent pas partie du groupe saint-simonien, et la plupart aussi de ceux qui plus tard composèrent ce groupe n’avaient pas connu Saint-Simon. Ainsi s’expliquent les différences notables qui séparent le fondateur et l’école. Celle-ci se développa avec une originalité propre, et eut une vie individuelle. Deux hommes surtout, l’un et l’autre brillamment doués, l’ont constituée : Bazard et Enfantin, le premier pendant la première période, le second pendant la seconde ; le premier, déjà connu comme l’un des organisateurs du carbonarisme en France, et doué en même temps d’une certaine puissance de synthèse philosophique ; le second, vrai chef d’église, absolument dénué de force logique et de précision scientifique, à la fois enthousiaste et tortueux, connaissant les chemins du cœur et la conduite des volontés, politique et prophète, d’une ambition effrénée, prétendant, comme l’a dit un de ses disciples, cumuler le rôle de saint Paul et celui de Grégoire VII. C’est lui qui, en forçant les ressorts, en soulevant des problèmes inutiles et dangereux, en poussant à la mysticité sensuelle et à une sorte de convulsionnarisme, contribua le plus à la dissolution de l’église qu’il prétendait fonder. Une école

  1. Voiyez la Revue du 15 avril.