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dont elle est originaire. Mais lors même que l’abandon ne paraîtrait pas justifié à l’employé chargé des réceptions, il est de principe que jamais on ne laisse repartir une mère avec son enfant, dans la crainte qu’exaspérée par un refus d’admission elle n’attente à la vie de celui-ci. L’enfant est donc toujours admis en fait, et c’est lorsque les renseignemens fournis par l’enquête ne justifient pas l’abandon qu’on s’efforce de le faire reprendre par la mère.

Des difficultés beaucoup plus grandes sont opposées à l’abandon lorsque l’enfant présenté au bureau d’admission est un enfant légitime. En principe, l’enfant légitime n’est pas admis, à moins que la mère ne soit veuve ou abandonnée de son mari. Le nombre des enfans légitimes ainsi admis pendant l’année 1875 s’est élevé à 84 contre 193 enfans naturels reconnus, et 1,811 non reconnus, ce qui donne pour les enfans naturels non reconnus une proportion de 77 pour 100.

L’abandon des enfans naturels effectué par leurs parens s’opère, on le voit, sans trop de formalités. Des précautions plus minutieuses sont prises pour les abandons opérés par des intermédiaires ou par l’entremise des commissariats de police. Parmi les intermédiaires qui se chargeaient le plus volontiers d’effectuer les abandons se trouvaient autrefois les sages-femmes. Plusieurs de ces femmes avaient fait même de cet office une véritable industrie. Elles suggéraient aux filles-mères qui avaient eu recours à leurs soins la pensée d’abandonner leurs enfans, et se chargeaient, moyennant salaire, de porter le nouveau-né à l’hospice. Parfois, pour triompher des scrupules de la mère, elles l’induisaient en erreur sur les conditions de l’abandon, qu’elles représentaient comme un simple placement provisoire, et les bureaux de l’hospice ont été souvent le théâtre de scènes douloureuses occasionnées par le désespoir de mères qui venaient réclamer leur enfant, déclarant avoir été trompées par la sage-femme à laquelle elles l’avaient confié. Pour éviter le retour de ces abus, on a remis tout récemment en vigueur un arrêté du conseil des Hospices de 1837, qui défend à l’hospice des Enfans-Assistés de recevoir un enfant des mains d’une sage-femme ; mais d’autres intermédiaires subsistent, parens, voisins, amis, des mains desquels on reçoit toujours l’enfant, sauf à faire procéder par les visiteurs de l’Assistance publique à une enquête sérieuse sur les causes de l’abandon. On agit de même lorsque l’enfant est arrivé à l’hospice par l’envoi d’un commissaire de police, les commissaires de police étant préoccupés surtout d’éviter les infanticides et ne refusant jamais un abandon. Que l’enfantait été au reste apporté par sa mère ou par un intermédiaire, la décision de l’employé qui siège au bureau des admissions n’est jamais que provisoire ; elle ne devient définitive, et l’enfant n’est