Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/497

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pensé que, s’il était possible de prévenir les abandons pendant cette première période d’un jour à un an, on en diminuerait considérablement le nombre total, et que le meilleur moyen de les prévenir était de mettre à la disposition de la mère un secours qui la déchargeât en fait de la majeure partie des dépenses d’entretien de son enfant. De là l’expédient des secours aux filles-mères (c’est bien la dénomination la plus exacte), dont l’idée première se trouvé au reste dans le préambule d’un décret par lequel la convention attribuait un secours à l’enfant naturel d’une fille X : « Considérant, disait ce décret, qu’il importe à la régénération des mœurs, à la propagation des vertus et à l’intérêt public d’encourager les mères à remplir elles-mêmes le devoir sacré d’allaiter et de soigner leurs enfans ; que tous les enfans appartiennent indistinctement à la société, quelles que soient les circonstances de leur naissance ; qu’il importe également d’anéantir les préjugés qui faisaient proscrire ou abandonner, au moment même de leur existence, ceux qui n’étaient pas le fruit d’une union légitime ; par ces motifs, etc. »

Longtemps combattu dans son principe, ce mode de secours a fini par triompher dans la pratique des objections qu’on lui opposait, et il a donné et au-delà les résultats qu’on en espérait quant à la diminution du nombre des abandons. En 1833, alors que le système des secours temporaires ne fonctionnait que dans un très petit nombre de départemens, le nombre des enfans à la charge de l’assistance publique était de 130,945. En 1859, alors que ce système était adopté par environ les deux tiers de nos départemens, ce chiffre tombait à 100,719, dont 92,647 élèves des hospices et 8,072 enfans secourus et conservés par leurs mères. En 1859, il descendait à 91,134 enfans, dont 76,530 élèves des hospices et 14,614 enfans secourus. En 1870, il était de 84,378, dont 56,158 élèves des hospices et 28,220 enfans secourus. En 1875, il était de 93,048, dont 65,381 élèves des hospices et 27,667 enfans secourus. Malgré cette légère augmentation, qu’expliquent peut-être en partie les malheurs de la guerre, on ne saurait nier que le système des secours temporaires n’ait considérablement diminué le nombre des abandons, et l’on se trouve en présence de ce dilemme, qu’il faut savoir regarder en face : l’augmentation des infanticides qui résulte de la suppression des tours est-elle compensée par l’avantage qui résulte de la diminution des abandons ? C’est bien ainsi que la question se pose, et il ne faudrait pas espérer d’en trouver la solution dans le rétablissement des tours s’alliant avec le maintien des secours temporaires, la nécessité où la mère se trouve placée de se présenter au bureau d’admission étant précisément le moyen de la déterminer à accepter les secours temporaires.

Si cette question ne devait être examinée qu’au point de vue de