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correctionnelle, y en a-t-il déjà quelques-uns qui portent le germe de cette maladie fatale et qui seraient mieux à leur place dans une maison de santé que dans une maison de correction.

En dehors de ces infractions que je viens de signaler et auxquelles on peut encore en ajouter quelques autres (attentats à la pudeur, vols qualifiés[1], fausse monnaie, etc.), qui supposent une perversion précoce et, pour ainsi dire, individuelle, les autres infractions, vol simple, mendicité, vagabondage, dont les auteurs sont, par rapport aux premiers, dans la proportion de 8 contre 1, supposent au contraire beaucoup plutôt la misère, le mauvais exemple, les mauvaises habitudes prises et peut-être encouragées dès l’enfance. On est confirmé au reste dans cette appréciation par la recherche de l’origine sociale de ces enfans et de la condition de leurs parens. Sur 8,016 enfans, 134 seulement étaient issus de parens aisés, c’est-à-dire avaient (suivant toute probabilité du moins), obéi aux suggestions perverses de leur nature. Par contre, 2,351 étaient issus de parens mendians, vagabonds, disparus, ou de prostituées ; 5,536 seulement étaient nés de parens vivant de leur travail ; mais pour combien de parens cette désignation cache-t-elle autre chose qu’une véritable misère ? Pour combien même cette nécessité de vivre de leur travail, en les tenant toute la journée hors du logis, ne crée-t-elle pas une impossibilité véritable d’éducation et de surveillance ? Il est probable que toutes les prévisions qu’on pourrait faire demeureraient au-dessous de la réalité. Il suffit, pour s’en convaincre, de constater les traces de souffrance et de misère que portent empreintes sur leurs figures la plupart de ces petits êtres lorsqu’ils entrent dans les établissemens d’éducation correctionnelle, et de se rappeler cette réponse que faisait un enfant détenu aux questions d’un visiteur qui lui demandait s’il était malheureux en prison ? — Oh ! non, monsieur, ici on mange tous les jours.

Ajoutons que sur ces 8,016 enfans, 2,972 étaient orphelins d’un de leurs parens, ou de père et mère, c’est-à-dire avaient perdu leurs protecteurs naturels ; 213 étaient élèves des hospices c’est-à-dire avaient été privés de toute éducation de famille ; 1,350 étaient enfans naturels, c’est-à-dire avaient été élevés au milieu de la débauche ; 1,328 étaient nés de parens ayant subi des condamnations, c’est-à-dire avaient reçu les leçons de l’immoralité. Remarquons enfin que, dans toutes ces catégories, la proportion des filles est beaucoup plus élevée que celle des garçons, ce qui est facile à expliquer par l’action plus grande sur les jeunes filles des mauvaises

  1. On appelle vols qualifiés les vols accompagnés des qualifications aggravantes : effraction, escalade, etc., qui pour les majeurs déterminent la compétence de la cour d’assises.