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de population n’exerçait sur les enfans une influence pernicieuse à laquelle ils succombent plus facilement encore que les adultes. Dans ce contingent des grandes villes, la part du département de la Seine est considérable. Elle s’élevait en 1872 à 1,139 enfans (soit une proportion d’environ 15 pour 100), auxquels il faut encore ajouter le chiffre des enfans détenus à la Petite-Roquette, ce qui donne un total de 1,370 enfans criminels fournis par le département de la Seine. Lorsque nous en serons arrivés à la question de la mendicité et du vagabondage à Paris, nous verrons combien il y a en outre d’enfans qui pourraient être traduits sous l’inculpation de ces deux délits, et que la main indulgente de la police remet annuellement en liberté. Il suffit de savoir au reste que 651 enfans au-dessous de seize ans ont été arrêtés les armes à la main parmi les défenseurs de la commune, pour se faire une idée approximative des vices qui travaillent, dès leur naissance, les futurs citoyens de la capitale.

En examinant de près l’origine de la plupart de ces enfans, la vie qu’ils ont menée, l’éducation qu’ils ont reçue, on constate que l’explication des infractions qu’ils ont été amenés à commettre, un certain nombre (572 pour les garçons, 59 pour les filles) au-dessous de dix ans, réside la plupart du temps dans la misère et le mauvais exemple. Je dis la plupart du temps, il ne faudrait cependant pas s’imaginer que les cas de perversité précoce et excessive soient chose tout à fait anormale chez les enfans. Sans parler ici de quelques causes célèbres, 15 enfans étaient détenus en 1872 dans les établissemens d’éducation correctionnelle pour assassinat et empoisonnement, et 137 pour meurtre, coups et blessures. Assurément l’accomplissement de ces infractions au-dessous de l’âge de seize ans suppose chez ces enfans une nature pervertie ou tout au moins singulièrement violente et rebelle. À ces deux catégories, il faut en joindre une troisième, celle des incendiaires, dont le chiffre élevé (157) a lieu de surprendre ; la manie incendiaire est en effet très fréquente chez les enfans. Cette manie n’est souvent que l’indice avant-coureur de certains désordres cérébraux, quand elle n’en est pas le résultat. En visitant un jour à Bicêtre le quartier réservé aux enfans aliénés, je fus frappé de voir travailler dans un coin du jardin quelques petits garçons à la mine éveillée, au regard intelligent, dont l’activité un peu fébrile contrastait singulièrement avec la torpeur des autres enfans qui peuplent ce triste quartier. J’eus la curiosité de consulter en sortant leurs dossiers. C’étaient tous des enfans épileptiques qui s’étaient signalés par des tentatives fréquentes d’incendie, et qui étaient soumis à un traitement, hélas ! sans grande espérance de guérison. Peut-être, parmi ces incendiaires que renferment les établissemens d’éducation