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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 septembre 1876.

L’Europe assiste aujourd’hui avec des préoccupations croissantes à une crise où elle voudrait n’être qu’un témoin, un arbitre supérieur, et où elle sent qu’elle pourrait être entraînée malgré elle. Ces événemens d’Orient qui ont éclaté il y a quelques mois, qui ont déjà coûté tant de sang et ont passé par de si étranges péripéties, ces événemens en effet se composent d’élémens si multiples, ils ont un caractère si mystérieux et si complexe, ils mettent en jeu tant de passions et d’intérêts, qu’on ne sait jamais où ils peuvent s’arrêter, où ils peuvent conduire.

La guerre est-elle destinée à se prolonger et à s’étendre ? Les gouvernemens réussiront-ils à suspendre ou à limiter le conflit et à dégager de ce chaos oriental la paix qu’ils désirent comme un gage de leur propre sécurité ? C’est la question qui ne cesse de s’agiter et qui est partout, dans les combats livrés en Serbie comme dans les démarches tentées à Constantinople, dans les secrets de la diplomatie et même dans les mouvemens d’opinion qui se manifestent de plus en plus, qui se mêlent au fracas des armes. Pour le moment, deux faits sont également certains : depuis que la guerre a commencé, Serbes et Monténégrins ont eu plus de succès dans les bulletins répandus en Europe que sur les champs de bataille. Après s’être jetés dans une lutte inégale avec plus de hardiesse ou de témérité que de prévoyance, ils se défendent courageusement sans doute, ils disputent le terrain pied à pied ; mais enfin la fortune militaire n’est pas pour eux, et les derniers engagemens sérieux et décisifs qui se sont succédé dans la vallée de la Morava n’ont fait qu’attester une fois de plus la supériorité des forces de la Turquie. L’armée ottomane a eu des avantages assez marqués pour qu’un moment on ait pu croire à la prochaine fin de la guerre. D’un autre côté, en présence des derniers événemens militaires, les cabinets européens se sont entendus pour proposer un armistice à Constanti-