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l’inextricable fouillis d’une végétation trop luxuriante, étouffée entre d’énormes rochers. Des platanes, Quelques chênes, des bouleaux, dressaient leurs troncs élancés ou trapus au milieu de blocs de pierre éboulés ; leurs branches se mêlaient aux longs bras des sapins ou des cèdres, et d’interminables lianes embrassaient et confondaient jusqu’à leur sommet les arbres d’essences les plus diverses. Par instans, nous nous trouvions arrêtés sans pouvoir avancer ni reculer, au milieu d’une ombre faite si épaisse sous le feuillage des bois que la nuit semblait venue. Alors, nous nous servions des branches, et il fallait monter, puis sauter à terre pour retrouver cent pas plus loin les mêmes obstacles. Plus d’une fois le voyageur est ainsi frappé des contrastes que présente sur un même point et à la même époque la végétation grecque. Tantôt c’est la sécheresse et l’aridité absolues, tantôt ce sont des bois épais, des plaines cultivées, des vallées luxuriantes. M. Orphanidès, professeur de botanique à Athènes, fait également remarquer dans un de ses mémoires, avec quelle rapidité se développe et dépérit la végétation en Grèce : elle a deux courtes saisons. Dans les plaines et sur le littoral, les plantes se développent de mars à la fin de mai, tandis que sur les montagnes le printemps n’apparaît que du mois de juin au milieu d’août. Passé ce temps tout est brûlé. Cependant, et c’est ce qui explique les surprises qui attendent à chaque pas l’explorateur, certains terrains, les vallons particulièrement, jouissent d’une exposition qui atténue l’ardeur du climat et forment d’espace en espace comme des oasis où l’on retrouve les ombrages de l’occident et où se rencontrent les sujets les plus divers et les espèces les plus curieuses. Sibthorp le premier, cherchant à recomposer, grâce au secours de la philologie, l’antique flore de Dioscoride, a compté en Grèce 2588 variétés de plantes ; M. E. Boissier dans ses Diagnoses et sa Flora orientalis, en porte le nombre à 5668, chiffre considérable eu égard au peu d’étendue de ce que les botanistes appellent le territoire grec.

Le soir seulement, nous étions arrivés au bord de la mer en face du petit port de Trisonia. Nous appelâmes de toutes nos forces Kosta pour qu’il vînt nous chercher avec la barque ; un enfant nous entendit qui l’alla prévenir, et je me retrouvai bientôt dans cette petite salle odorante et fraîche d’où j’étais parti pour mon expédition.

Trois jours de marche dans la montagne, sous un soleil de juillet, deux nuits inquiètes passées presque sans sommeil, m’avaient mis hors d’état de répondre aux mille questions que m’adressèrent mes hôtes. J’avais le visage brûlé d’insolations, le corps brisé ; je demandai comme une grâce qu’on me laissât dormir. Kosta, qui m’avait prédit bien d’autres mésaventures, comprit ma fatigue ; sa sœur