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pareils instrumens ! quelle révélation cosmique dans l’infinie grandeur et l’infinie petitesse des choses ! Les plus simples manuels suffisent à nous l’apprendre.

L’histoire de la philosophie n’offre ni la même variété de résultats, ni la même série de progrès. Déjà, dans la première période de son développement en Grèce, de grands problèmes sont posés, de hautes et profondes vérités sont entrevues. Dès la seconde période, la philosophie atteint les sommets les plus élevés de la pensée, et proclame de sa voix la plus éloquente les vérités essentielles qui survivront à la ruine de tous les systèmes. Ce ne sont pas seulement des philosophes comme Socrate, Platon, Aristote, Zénon, Plotin, qui ont compris les principaux attributs de Dieu et les grands caractères de l’ordre universel. Les moralistes et les poètes en ont eu le vif sentiment, qu’ils ont exprimé dans leur noble et divin langage. Seulement ces vérités devaient rester des généralités vagues, tant que la science n’avait pas fait connaître les lois de ce cosmos dont on célébrait la mystérieuse beauté dans des hymnes sublimes. Si la philosophie moderne n’a pas trouvé plus de beaux génies, plus de grands écrivains pour concevoir et exprimer ces vérités de tous les temps et de tous les lieux, elle a eu à son service ce qui manquait à son aînée, une science de la nature plus étendue, plus exacte, plus profonde, surtout depuis les étonnans progrès des sciences physiques et naturelles, dans les deux derniers siècles. En s’instruisant à l’école des savans, en se pénétrant de leurs découvertes et de leurs théories, elle a pu mieux définir la nature et le mode d’action de cette cause finale dont aucune doctrine peut-être dans l’antiquité, sauf celle d’Aristote, n’a donné une formule précise. Elle a pu, par la connaissance tout expérimentale de la nature, mieux montrer en quoi consiste cet ordre sur lequel la science antique n’avait pu donner que de vagues et souvent fausses notions. Déjà les systèmes des grands philosophes du XVIIe siècle, Descartes, Malebranche, Leibniz surtout, se ressentent de cette éducation scientifique ; mais c’est principalement aux sciences de la nature, à la mécanique, à la physique, à la chimie, à la biologie, à l’histoire naturelle qu’il appartenait de transformer les conceptions spéculatives de la philosophie sur les hauts problèmes métaphysiques, particulièrement en ce qui concerne la nature et le mode d’action de la cause finale.

Nous abordons, comme M. Janet, ce problème avec une entière liberté d’esprit. Loin de redouter pour la solution qui pourrait avoir nos préférences les nouvelles théories de la science, nous pensons que la philosophie des causes finales ne peut que gagner en exactitude, en précision, en profondeur, à s’approprier ce qui, dans ces théories, semble devoir passer à l’état de vérités acquises. Si le