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France en régions culturales : chacune devait avoir son école. Mais combien fallait-il distinguer de régions ? Le gouvernement en proposait vingt ; c’était beaucoup peut-être, du moins pour commencer ; c’était, en tout cas un système plus rationnel que l’absurde état de choses que l’esprit de routine, l’incurie et la parcimonie des pouvoirs publics ont laissé depuis lors subsister jusqu’à nos jours. Et en effet, après la loi comme avant, on s’en tint aux trois écoles de Grignon, Grand-Jouan et La Saulsaie, dont la situation, due au hasard des circonstances, ne répondait nullement aux grandes divisions culturales de notre pays. Il est à remarquer que, placées toutes trois sur un même alignement, dans une même zone, sous des climats analogues, une grande moitié de la France, le midi avec ses cultures spéciales : vignobles, mûriers, oliviers, maïs, orangers, etc. leur échappait. On fit, il est vrai, en 1870, un changement heureux : l’école de La Saulsaie fut transportée à Montpellier ; mais trois écoles pour toute la France, c’est en vérité peu. Il est clair qu’elles ne sauraient suffire à embrasser l’ensemble des cultures nationales dans leur multiplicité si diverse, car, si les écoles régionales sont, ce qu’il importe qu’elles soient, des établissemens d’enseignement secondaire, pratique aussi bien que théorique, non des facultés supérieures d’agronomie générale, si vous voulez qu’elles expérimentent les méthodes applicables à la région, précèdent et guident les cultivateurs sur le terrain des nouveautés, par une conséquence nécessaire ne doivent-elles pas chacune reproduire et en quelque façon refléter, dans ses caractères dominans, la contrée environnante ? Et c’est en réalité ce qui a lieu : Grignon étudie les céréales, les plantes industrielles et fourragères, les spéculations animales et les industries agricoles et viticoles qui conviennent à la région septentrionale de la France ; Grand-Jouan s’applique spécialement à la mise en valeur des terres incultes, à la culture pastorale mixte, à la culture par colonage partiaire, aux cultures fruitières, etc., en un mot, aux industries agricoles de la France occidentale. Quant à Montpellier, ce sont particulièrement celles de la région méditerranéenne : la transhumance des troupeaux, le reboisement des montagnes et garrigues, les cultures à l’arrosage et tout ce qui appartient proprement aux zones dites de l’oranger, de l’olivier et du mûrier[1]. Mais cela même prouve la nécessité d’un plus grand nombre de ces écoles : il est des régions de la France qui, par leur climat, le système de leurs eaux, les aptitudes de leur sol, les traditions de leur agriculture, ont un caractère bien tranché, qui néanmoins attendent encore leur enseignement spécial : tel est le vaste bassin océanique, une des deux portions de la France méridionale,

  1. Voyez le rapport sur l’agriculture à l’exposition de Vienne, tome Ier.