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M. Nivière, enfin et surtout Grignon, par Auguste Bella. Cette dernière entreprise offre avec celle de Mathieu de Dombasle un contraste absolu. Autant l’une fut laborieuse et malheureuse jusqu’à la fin, autant l’autre a été fructueuse et prospère : les circonstances secondèrent à merveille la tentative habile et hardie d’Auguste Bella. « Il conçut la pensée, dit M. de Dampierre, de démontrer, par une expérience grandiose, que les améliorations agricoles pouvaient être un excellent placement, et d’attirer par là les capitaux vers la culture de la terre ; il prétendit faire, à quelques lieues de Paris, sur des terres plus que médiocres, dans des conditions de cherté de main-d’œuvre assurément périlleuses, une ferme à profits ; il s’agissait de démontrer qu’une culture intensive, c’est-à-dire employant de fortes fumures et de gros capitaux, pouvait, en s’appuyant sur les données de la science, devenir la plus productive des méthodes d’exploitation du sol… Pour atteindre ce but, il fallut refuser l’argent de l’état, réunir un capital social qui subirait le sort de tous les capitaux industriels, enfouir ces capitaux dans des terres qui cesseraient d’appartenir à la société au bout de quarante années, et prévoir qu’avant ce terme éloigné, ces champs si heureusement fécondés auraient, par la seule richesse de leurs récoltes, fourni aux bailleurs de fonds un intérêt raisonnable de leur argent et remboursé la totalité des 300,000 francs qui leur étaient confiés[1]. »

Un fait ressort de l’ensemble de ces tentatives. C’est à l’initiative privée que toutes furent dues ; c’est le dévoûment de quelques hommes vaillans et convaincus qui a jeté les fondemens de notre enseignement agricole ; durant cette période de formation première, les particuliers font tout : l’état ne fait rien, l’état se montre indifférent à l’œuvre naissante. Cependant il ne pouvait demeurer toujours à l’écart, témoin désintéressé d’une entreprise nationale. Il allait être amené à intervenir, mais avec quelle lenteur ! avec quelle peine ! Que de temps avant qu’il s’y décidât ! Ce fut sous la monarchie de juillet. Le gouvernement accorde d’abord des subventions aux établissemens qui s’élèvent ; peu à peu, son action devient plus fréquente et plus directe ; il soumet les établissemens subventionnés à des règles uniformes, une jurisprudence s’établit ; en 1845, le ministère, mettant sérieusement la question à l’étude, en saisit le conseil, général de l’agriculture. À cette époque, l’enseignement agricole est en voie d’organisation : il a dès lors ses trois écoles régionales : Grignon, Grand-Jouan, La Saulsaie ; la

  1. Rapport sur la proposition de M. le comte de Bouille, relative à la création d’une école supérieure d’agriculture, 1875.