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spéciales transforment des zones entières : le drainage, la fixation des dunes, le reboisement des montagnes, par dessus tout les travaux d’irrigation ! D’autre part, que de lois qui à première vue pouvaient sembler étrangères à l’agriculture, lois militaires, lois d’instruction primaire, lois d’impôts, etc., exercent sur elle (car tout se tient dans le corps social) une action ou bienfaisante ou contraire, mais en tout cas certaine et profonde ! Vous pensez toucher à une matière purement industrielle ou commerciale, et vous ne voyez pas la question agricole, qui, en un pays tel que le nôtre, est au fond de presque tout. Cependant les actes législatifs que nous venons d’indiquer ont sur le travail rural une influence pour ainsi dire extérieure, ils n’atteignent pas au fond même de l’agriculture, n’interviennent pas dans ses pratiques, dans ses méthodes : en brisant ses entraves, en ouvrant des marchés à ses produits, en augmentant ses moyens d’action, en lui prêtant le puissant concours de l’état, ils la placent dans le milieu le plus favorable à son libre développement ; mais ce développement lui-même, notons-le bien, ils n’y travaillent qu’indirectement, ils n’ont point la vertu de réformer et d’instruire le laboureur ignorant, de faire abandonner la routine primitive pour des procédés perfectionnés, capables de doubler telles ou telles branches de la production. Cela est proprement l’œuvre de l’enseignement. Si vous admettez que la science appliquée à l’agriculture produit de tels résultats, — et c’est là une vérité qui n’a plus besoin d’être démontrée, — il faut admettre aussi que l’enseignement qui propage cette science et la fait pénétrer dans les campagnes est utile, disons plus, est nécessaire, et que l’état, intéressé au progrès de la richesse agricole, l’est par là même à cet enseignement.

Depuis l’extrême antiquité jusqu’aux temps modernes, l’agriculture avait peu changé : elle était demeurée presque stationnaire à travers les milieux les plus différens. C’était un métier, tout au plus un art, non une science véritable. Le plus ancien traité d’économie rurale qui soit parvenu jusqu’à nous, les Travaux et les Jours du vieil Hésiode, qu’est-ce autre chose que quelques descriptions techniques, quelques préceptes de labourage mêlés à des conseils de morale et d’économie domestique ? Chez les Romains, qui furent longtemps le peuple agricole par excellence, le premier des traités de re Rusticâ, celui de Caton le Censeur, offre un caractère assez semblable : c’est au milieu des règles de conduite à l’usage du villicus, à côté de formules magiques, entre deux ordonnances de médecine, qu’il faut chercher les prescriptions culturales, simples recettes, le fruit des observations et des expérimentations personnelles d’un vieux paysan intelligent et exercé. Quant aux