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surintendant des travaux publics, les ingénieurs sous leurs ordres et les entrepreneurs avaient dû tous tremper dans un complot pour dépouiller le trésor public ; mais on ne pouvait en acquérir la preuve que par une vérification minutieuse de tous les travaux depuis leur origine. À ce moment, le bruit se répandit un matin dans Washington que, la nuit précédente, des malfaiteurs s’étaient introduits chez M. Harrington, procureur du district, avaient forcé son coffre-fort et en avaient enlevé des registres et des papiers ; mais M. Alexander déposa qu’un homme qui ne s’était pas fait connaître était venu lui dire en confidence que les registres véritables des travaux de Washington étaient cachés chez le procureur du district, et que, telle nuit, on les lui apporterait. La nuit du crime, on avait en effet sonné aux deux entrées de sa maison ; mais, ayant déjà repoussé l’offre anonyme qui lui avait été faite de lui procurer ces livres contre une somme d’argent, et peu soucieux de tremper dans une affaire douteuse, il s’était gardé d’ouvrir. Il supposait qu’on avait voulu le compromettre pour détruire l’autorité de son témoignage. Les livres qui lui auraient été remis, et qui n’étaient assurément pas les véritables, auraient servi à l’accuser d’avoir été l’instigateur du crime commis chez le procureur du district. Comment la police, si active à Washington, n’avait-elle rien su, rien vu, rien entendu ? Qui avait éloigné, cette nuit, les surveillans ordinaires du quartier ? Une instruction avait été commencée contre le procureur fédéral, mais elle avait été suspendue par l’influence de Babcock et des autres amis d’Harrington, qui avait reparu à la présidence, dont il était un des visiteurs les plus assidus. Néanmoins on avait jugé prudent, pour faire tomber cette affaire dans l’oubli, de l’éloigner de Washington. Maintenant un ancien agent de la police secrète venait se déclarer l’auteur de l’effraction commise dix-huit mois auparavant. Il racontait ce qui s’était passé, et prétendait avoir reçu ses instructions de Babcock et d’Harrington lui-même. Le colonel Whitley, qui était chef de la police secrète à l’époque où les faits s’étaient passés, confirmait ce témoignage. Babcock, sans spécifier ce dont il s’agissait, lui avait demandé deux hommes de résolution et d’énergie pour un coup de main. Les deux auteurs de l’effraction avaient été mis à sa disposition, et l’un des deux avait été appelé tout exprès de New-York. Un nouvel arrêt de renvoi devant les assises fut immédiatement rendu contre Babcock et Harrington.

Ainsi chaque jour amenait, avec un nouveau scandale, un nouveau sujet d’attaques contre le président et son entourage. Le général Grant ne voyait plus autour de lui que des accusés ou des suspects ; les journaux républicains essayaient à peine de le défendre, et la violence de la presse démocratique ne connaissait plus de