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par l’acte prématuré et incomplet de Villafranca ; maintenant les deux politiques se retrouvaient encore dans l’interprétation, dans l’exécution de la paix, et certes si les conditions de Villafranca avaient une chance d’être réalisées et maintenues jusqu’au bout dans leur intégrité, c’était par la présence au pouvoir, par l’action du ministre des affaires étrangères de France.

Le comte Walewski, homme parfaitement loyal, ne tenait pas seulement à faire honneur aux engagemens pris avec l’Autriche ; il était lui-même par ses opinions, par ses traditions et ses instincts, favorable à tout ce qui pouvait restreindre la révolution italienne, aux restaurations ducales, à la limitation de l’influence piémontaise. Il ne voulait à aucun prix de l’annexion, et il n’hésitait pas à faire sentir le poids de l’autorité impériale, de la diplomatie française à Turin comme à Florence, comme à Bologne. Dès les premiers instans, il avait expédié agens sur agens, M. de Reiset, le prince Poniatowski, autrefois ministre de Toscane à Paris, maintenant envoyé à Florence pour proposer la restauration lorraine, et le comte Walewski se montrait aussi étonné qu’impatient des résistances que sa diplomatie rencontrait. Il se faisait l’illusion de croire que tout ce qui se passait à Florence n’avait rien de sérieux, que ce n’était qu’une conspiration de parti « soudoyée par les Piémontais, » une œuvre révolutionnaire « conduite avec fermeté et hardiesse par le baron Ricasoli. » Il ne parlait pas autrement que l’Autriche ! A Paris, dans ses entretiens avec les envoyés toscans, avec le marquis Lajatico, M. Ubaldino Peruzzi, M. Matteucci, le comte Walewski tenait le langage le plus acerbe, le plus menaçant. Le ministre français ne craignait pas de déclarer que les Toscans devaient « plier la tête, » il témoignait le regret qu’on eût laissé connaître aux Italiens qu’il n’y aurait pas d’intervention armée. Entretiens pénibles d’où les envoyés toscans sortaient blessés sans avoir « plié la tête ! » Un autre jour, le comte Walewski faisait venir le ministre de Sardaigne, et il lui disait : « Je n’entends pas ouvrir avec vous une discussion ; je veux simplement vous mettre au courant de l’état des choses et vous demander votre concours pour amener votre gouvernement à se mettre d’accord avec nous dans la question de l’Italie centrale. Il faut montrer à ces populations ce qu’a d’inévitable le retour du pape dans les légations, des Lorrains à Florence, de François y à Modène. Si le Piémont nous prête la main, nous lui donnerons en compensation Parme et Plaisance ; s’il s’obstine dans les annexions, il suscitera à l’Europe de nouveaux malheurs, et il en portera la peine méritée… » Le ministre français agissait de toute façon, sur tous les points à la fois, pour assurer le succès de ses idées.

Oui sans doute, c’était la politique du comte Walewski ; mais il