Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/389

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

couteau dont elle s’apprêtait à le poignarder. Olaf se hâta de renvoyer cette fille trop vindicative à ses foyers héréditaires.

Avant cette aventure, il avait eu la fantaisie de présenter ses hommages à une vieille princesse suédoise, mère du roi d’alors, qui se nommait Olaf comme lui. Il aurait pu mieux choisir, car Sigrid, — c’était le nom de cette reine-mère, — avait exactement le caractère peu sociable et les exigences difficiles à satisfaire que le poème des Niebelungen attribue à la reine Brunhild. Les sollicitations amoureuses avaient, paraît-il, le don de l’agacer ; mais elle savait se débarrasser de ses prétendans avec une fermeté de décision qui laissait peu de chose à désirer. Un cousin d’Olaf, Harald Graenske (du vert pays), le père même de saint Olaf, et un jeune prince de Russie ayant simultanément pressé cette mégère de leurs. instances, et persisté malgré son double refus, furent brûlés par ses ordres avec la maison même où elle leur avait donné à contre-cœur l’hospitalité. Un tel caractère était pour faire réfléchir ; toutefois Olaf, qui sans doute poursuivait avec cette union la réalisation de quelque plan politique, et qui d’ailleurs n’était pas homme à se laisser intimider facilement, envoya ses vœux à Sigrid en les accompagnant de beaux présens, entre autres d’un collier, don d’Hakon-Jarl à l’idole de Thor. Un superbe collier en apparence, mais qui prouva, lorsque les orfèvres de la reine l’examinèrent, que l’hypocrite Hakon avait connu l’art d’être magnifique avec économie, car le revêtement seul était en or. Cette découverte indisposa Sigrid, qui avait d’abord accepté avec quelque satisfaction les instances d’Olaf. « Celui qui peut tromper en cette matière peut tromper en beaucoup d’autres, » dit-elle avec colère. Toutefois elle se calma ; Olaf, puissant et renommé, n’était pas un homme à dédaigner, et elle consentit à une entrevue ; mais la querelle recommença lorsque Olaf posa comme principale condition du mariage la conversion au christianisme. « Ce sont les dieux de tous mes pères, répondit-elle, garde les tiens et laisse-moi les miens. » Sur ces paroles, Olaf entra dans une colère si terrible qu’il finit par traiter la reine de vieille païenne décrépite, et par la frapper légèrement de son gant au visage. On peut aisément imaginer comment Sigrid prit cette offense et avec quelle vigilance elle guetta l’heure de sa vengeance.

Une autre femme lui fournit l’occasion désirée. Une sœur de Sweyn à la barbe fourchue, Thyri, fiancée contre son gré à notre ancienne connaissance, le vieux roi wend Burislaf, ne trouva rien de mieux, pour échapper à cette union détestée, que de chercher un refuge auprès d’Olaf, qui, se trouvant alors sans femme, épousa la fugitive. Ce mariage s’était donc fait contre la volonté de Sweyn, et pour comble de complications, ce dernier venait justement