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sous un prétexte menteur, une entrevue entre le roi Harold à la dent bleue et le roi Harald à la fourrure grise à Lymfjord. Le roi de Norvège se rend sans défiance à ce rendez-vous, où il rencontre les navires d’Harold le Riche et la mort, mais il est vengé aussitôt que vaincu, car Hakon, jetant le masque, tombe brusquement sur Harold le Riche, encore tout enivré de sa victoire, le tue, puis, retournant sur-le-champ en Norvège, maintenant sans maîtres grâce à sa double fourberie, il s’empare du gouvernement avec l’aide et le consentement d’Harold à la dent bleue dont il se déclare le tributaire. Il resta jusqu’à la fin l’ami du roi de Danemark, mais il trouva moyen de le duper comme les autres, car il n’acquitta jamais le tribut auquel il s’était obligé. C’est à ce point que s’était arrêtée la rivalité entre les deux pays lorsque Sweyn conçut le projet de lancer les vikings de Jomsburg contre ce perfide Hakon, doublement détesté et comme tributaire récalcitrant et comme ancien ami de son père, Harold à la dent bleue ; mais, après l’insuccès de cette expédition, elle continua pendant tout le reste du règne de Sweyn et pendant celui de son fils Knut, amena la mort des deux Olaf, les deux plus grands rois qu’ait eus la Norvège, et dura plus ou moins vive jusqu’à l’extinction de la race d’Harald Haarfagr.

La bière des funérailles du jarl de Scanie, père de Sigvald, fut bue avec une magnificence inusitée. Jamais encore dans le nord on n’avait vu fête si fastueuse. Pensez un peu, toute une armée faisant ripaille, obligée de se répandre dans les cours, dans les bois, sur la plage, dans les vaisseaux à l’ancre pour se repaître des bœufs et des moutons de son capitaine et s’enivrer de l’hydromel de ses celliers ! Une telle fête ruinait pour des années les domaines de Sigvald ; mais il s’estimait heureux d’avoir échappé à ce prix aux pièges de Sweyn, et il s’abandonnait aux joies du festin sans défiance du coup qui allait lui venir de ces joies mêmes. C’était un usage, à la fin de ces cérémonies, que l’héritier prît solennellement en face de ses convives tels ou tels engagemens et formulât tel ou tel vœu, qu’il jurait d’accomplir. Ici encore nous avons l’origine de ces vœux, qui durèrent autant que la chevalerie, qui furent particulièrement à la mode aux XIVe et XVe siècles, et dont un entre autres, le fameux vœu du héron, nous fut si fatal. Après que Sigvald eut été régulièrement investi par Sweyn de ses insignes de jarl de Scanie, — par exemple, la verge ou le bâton de commandement, un symbole analogue au bâton de maréchal, — après qu’il eut bu solennellement à son entrée en héritage et qu’il eut baisé les mains du roi en signe d’hommage, il s’apprêtait donc à prononcer ses vœux selon les formes habituelles, ce qui se faisait en posant le pied sur l’un de deux poteaux bas placés devant le siège royal ; mais Sweyn, le prévenant, lui demanda la permission de profiter