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ne fut qu’un long et chaleureux panégyrique de Babcock, en qui le président exprimait la plus entière confiance. Le second incident fut la publication dans un journal de Chicago, en relations, avec Babcock, d’une circulaire de l’avocat-général Pierrepont aux procureurs de district, pour leur rappeler que l’impunité n’était pas acquise de droit aux fraudeurs qui dénonceraient leurs complices ou viendraient témoigner en justice des faits de fraude auxquels ils auraient pris part. On accusa l’avocat-général d’avoir rédigé et fait arriver cette circulaire à la publicité pour intimider les témoins qui auraient pu déposer contre Babcock. M. Pierrepont écrivit aux journaux que sa circulaire, rédigée d’accord avec le président, était purement confidentielle, qu’en dehors des exemplaires expédiés à destination, une seule copie en avait été faite, que cette copie avait été remise sur le bureau du président, et qu’il ne s’expliquait pas la publication si prompte de ce document dans un journal. Babcock se reconnut plus tard l’auteur de cette publication, que ses conseils judiciaires avaient jugée utile à sa défense, mais il n’expliquait point comment le document était arrivé entre ses mains.

Malgré les charges qui pesaient sur lui, malgré le fait avéré qu’il n’avait mis sous les yeux du président aucune des nombreuses lettres dans lesquelles des personnages considérables, des sénateurs, des représentans avaient signalé les concussions effrontées, de Mac-Donald et de Joyce, Babcock fut acquitté, le président des assises ayant fait observer au jury que la matérialité des faits n’était pas établie : à savoir que les sommes reçues par Babcock provinssent d’une source illicite, et que lui-même eût connaissance directe des concussions auxquelles se livraient les hommes dans l’intimité desquels il vivait. Cet acquittement causa quelque surprise, mais on s’étonna surtout de ce que le général, contrairement à ce qu’il avait annoncé, ne provoquait pas la nomination d’un jury d’honneur pris parmi les officiers-généraux de l’armée, et auquel il pût donner les explications que ses conseils judiciaires avaient refusées devant la cour d’assises. On fut également surpris du temps qui découla avant que la démission de Babcock fût acceptée : le président résistait, en répétant qu’il n’était pas dans ses habitudes : de déplacer les gens quand ils étaient au feu. En retirant à Babcock les fonctions de chef de son cabinet, il lui fît conserver la direction des travaux publics du district de Colombie, et par conséquent de Washington. Il ne devait pas tarder à se repentir de cette faiblesse.

On était arrivé aux premiers jours de mars ; depuis trois mois, les comités de la chambre poursuivaient leurs investigations sur toutes les parties des services publics ; les résultats de cette laborieuse enquête allaient éclater comme autant de coups de foudre.