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pays, il faut aller le chercher ailleurs, il faut faire appel à la bourse de l’Europe, qui ne demande pas mieux que d’étendre son activité sur un terrain nouveau, comme elle l’a fait aux Indes, en Australie, au Brésil et ailleurs. Mais l’industriel anglais ou le colon américain ne se contenteront pas de prêter leur argent ; il leur faut des garanties, et la première de toutes, c’est de leur laisser gérer eux-mêmes les entreprises qu’ils commanditeraient, c’est de leur permettre d’être propriétaires, manufacturiers, concessionnaires, et de déployer en personne cette activité qui a déjà changé la face de tant de pays. Alors on verrait le bien-être pénétrer partout, le sol, qui nourrit déjà ses habitans, les enrichir, et l’énergie nouvelle du Japon provoquer la confiance et fonder son crédit. Mais pour cela il faudrait ouvrir le pays, il faudrait établir une législation civile, qui donnerait aux étrangers des droits égaux à ceux des indigènes, une législation commerciale et industrielle comme celles de la France et de l’Angleterre ; il faudrait par conséquent ouvrir toute grande la porte entre-bâillée, et c’est ce qu’on ne veut à aucun prix. On craint l’exemple de l’Inde, on craint le sort qui semble menacer l’Égypte, on voit l’indépendance nationale compromise, et l’on se promet intérieurement de sauver la situation économique sans laisser entamer la situation politique, sans abandonner surtout l’honneur du sauvetage à d’autres instrumens que des mains japonaises.

Si, faute d’employer des fonds européens, le Japon ne peut établir son crédit sur un développement agronomique et industriel, il ne lui reste plus qu’une chose à hypothéquer, ce sont ses mines. On en est encore à se demander quelle est la vérité au sujet de la richesse minérale de la contrée. Qu’il existe de très nombreux gisemens de charbon et de métaux, particulièrement d’argent et de cuivre, c’est ce que personne ne conteste et ce que révèle un tableau statistique placé sous nos yeux, qui n’indique pas moins de cent cinquante emplacemens différens. Mais la valeur de ces gisemens laisse place à de grands doutes. Nous devons à la plume élégante de M. Plunkett, alors premier secrétaire de la légation britannique à Yeddo, le premier travail sérieux qui ait été écrit sur les mines et d’où sont extraits la plupart des détails qui vont suivre. A l’exception des mines de charbon de Takasima, toutes celles du pays sont exploitées par galeries ; les Japonais ne creusent jamais un puits, et, comme ils n’ont pas d’autre moyen d’épuisement que l’emploi des pompes faites avec des tuyaux de bambou, l’abandon des exploitations devient presque partout rapidement inévitable. Les travaux sont entrepris sur des proportions mesquines, faute d’argent ; on creuse au hasard là où l’on soupçonne un gisement, sans prévoyance ni système ; on pratique une