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même serait menacée, il faut qu’il marche, qu’il se transforme, et pour cela qu’il dépense beaucoup. Il ne peut faire d’économies, parce qu’il n’en pourrait réaliser que sur des dépenses nécessaires et vitales ; il est obligé au contraire, comme un père de famille accablé de lourdes charges, de grossir son revenu en faisant travailler son capital. Or ce développement économique peut-il être attendu de l’initiative privée, de la libre activité des particuliers ? En aucune façon ; nous dirons bientôt pourquoi. Il faut donc que l’initiative vienne encore du gouvernement, qui est par la force des choses le grand industriel, le grand cultivateur, le grand commerçant, sans être toujours le plus éclairé. Il faut que le trésor avance des capitaux pour la mise en valeur du pays ; mais le trésor n’a pas de quoi suffire à ses propres obligations et ne peut faire d’avances pour des dépenses extraordinaires, qui sont cependant inéluctables. Où trouver ces ressources exceptionnelles ? Il ne faut pas songer à une augmentation des impôts, déjà trop lourds, qui appellent un dégrèvement. Il ne faut pas davantage compter sur une augmentation du produit soit des douanes, soit des railways, télégraphes, etc., contre laquelle protestent les chiffres et les faits. Quel moyen reste donc ? — L’emprunt. L’emprunt par souscription nationale ne donnerait rien, parce qu’il n’y a pas de numéraire entre les mains du prêteur. Il faut donc de nouveau recourir à l’emprunt étranger ; mais alors pour que le troisième emprunt ne soit pas à un taux usuraire et accablant, il faut offrir aux capitalistes européens des garanties sérieuses ; la principale de ces garanties devrait être le crédit. Il n’en faut pas parler dans un état qui a une circulation fiduciaire de 475 millions de francs ; reste l’hypothèque. Elle ne peut porter sur les douanes, déjà affectées à l’emprunt de 1870 (Lay), ni sur les chemins de fer qui garantissent à l’Oriental-Bank l’emprunt de 1873. Elle ne peut donc être établie que sur cet élément multiple, insaisissable, incertain, qui consiste dans le développement à venir, ou sur un élément matériel, mais mal déterminé, les mines. Nous sommes ainsi conduits à examiner quelle est l’étendue actuelle, l’accroissement présumable des ressources matérielles du pays, et en second lieu quelles espérances on peut fonder sur les mines.

La fortune d’un pays peut se décomposer en plusieurs élémens qui sont la fécondité naturelle du sol, l’aptitude de ses habitans au travail, le capital considéré comme instrument industriel ; en un mot la terre, l’homme, la richesse accumulée, telles sont les sources de prospérité publique qu’il faut rapidement passer en revue. On a vu que la superficie est d’environ 28 millions d’hectares, mais tant s’en faut qu’elle soit tout entière livrée à la culture ; on évalue à un dixième la surface de culture du riz ; Chaque hectare cultivé nourrit à ce compte 10 habitans. Les pâturages manquent pour le