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jours ; le premier jour, des cantonniers se répandent dans la forêt et entourent chaque tronc d’arbre d’une, ficelle ; le second jour, l’inspecteur constate que tous les arbres sont munis de leur collier ; le troisième jour, on détache toutes les ficelles, on les réunit et on les compte en les groupant par rangs de taille : l’inventaire est fait.

On sait de quelle importance est pour le Japon l’industrie de la soie. Afin d’améliorer, la fabrication du fil par l’emploi des procédés européens, on a érigé à Tomyoka, sur les plans de M. Brunat, une filature de 300 bassines où l’on a obtenu d’excellens produits ; mais, faute de suivre les conseils qui lui étaient donnés, le gouvernement a subi des pertes annuelles considérables, que ne compense pas assez la satisfaction de voir les provenances de Tomyoka cotées à Lyon au prix des meilleures soies de France. D’autres filatures, modèles s’élèvent, soit à Yeddo, soit dans la province de Tosa ; les ouvrières y apprennent, sous la direction européenne, des procédés perfectionnés. Bien d’autres industries sont ainsi entreprises ou commanditées par l’état, qui est fabricant de papier, de gaz, entrepreneur de bâtisses, maître de forges. On voit s’élever par exemple, non loin du temple de Shiba, une haute cheminée en briques ; en approchant, on reconnaît un superbe et solide bâtiment destiné à une, usine métallurgique ; mais, le bâtiment fini, on a réfléchi que le cuivre ainsi laminé coûterait trop cher, et l’on y a installé une école d’application industrielle. Le ministère des travaux publics, qui centralise la plupart de ces services, emploie, à Yeddo ou en province 186 Européens, presque tous Anglais. C’est lui qui a en outre la direction des phares, plus indispensables que partout ailleurs, sur les côtes du Japon, c’est lui qui dirige la monnaie située à Osaka, magnifique établissement qui a dû interrompre ses travaux faute de matière première et qui a coûté 5 millions de francs ; il sera bientôt remplacé, hélas ! par une fabrique de papier-monnaie annexée ; au ministère des finances.

Malgré de grands efforts et des sommes immenses dépensées, ces entreprises jusqu’à présent, n’ont pas sensiblement amélioré les conditions générales de la production ; dirigées par une pensée d’ostentation, elles sont restées improductives et n’ont pas rendu la centième du capital qui y a été enfoui. Il semble qu’on se soit promis avant tout de dérober aux étrangers le secret de leur force, en leur empruntant des applications mécaniques très inutiles à qui ne dispose pas des matières premières qui en font l’objet. De tous les travaux d’amélioration, le premier, le plus élémentaire, le plus indispensable, est ici le plus négligé par le gouvernement que cependant cette tâche concerne directement ; je veux parler des routes. A part quelques tronçons aux environs de Yeddo, il en est peu qui puissent porter des voitures, et celles-là même deviennent