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l’attention publique s’est portée depuis un an, il ne reste plus à faire connaître que le sort du général Belknap. Ce grand coupable a évité le châtiment matériel de ses fautes, grâce à l’échappatoire que le président lui avait ménagée, en se hâtant d’accepter sa démission et en la portant immédiatement à la connaissance de la chambre des représentans. Le débat sur la compétence, qui avait si vivement préoccupé la chambre, s’est renouvelé devant le sénat et s’est prolongé pendant plusieurs semaines. Le sénat a fini par se déclarer compétent à une assez forte majorité, et comme la culpabilité était établie par les aveux de l’accusé, il semblait que la condamnation dût s’ensuivre fatalement. Il n’en était rien ; une partie des sénateurs républicains, pour ne pas condamner un coreligionnaire politique, se sont retranchés derrière l’exception d’incompétence. La majorité des deux tiers était nécessaire pour une condamnation ; elle n’a pu se former, 38 voix seulement sur 61 s’étant prononcées pour la culpabilité de l’accusé. Parmi les sénateurs républicains qui ont voté dans ce sens, on a remarqué M. Morton. Les autres, et notamment M. Conkling, en motivant à haute voix leur vote, ont eu soin de dire expressément qu’ils ne se prononçaient pas sur la criminalité des faits imputés à Belknap, mais que, ne se croyant pas le droit de juger l’accusé, ils ne pouvaient le déclarer coupable. Trois sénateurs seulement ont voté que l’accusé n’était pas coupable, en motivant leur vote sur ce que les faits à sa charge ne leur paraissaient pas suffisamment établis. Le président du sénat a donc proclamé l’acquittement de Belknap ; mais un acquittement dans de pareilles conditions équivaut à la plus flétrissante des condamnations, et, au point de vue de l’opinion publique, il en a eu tout le caractère et tous les effets.

La chambre des représentans a répondu à cet acquittement en adoptant le rapport du comité, qui avait soumis à une enquête la gestion du ministre de la marine, et en votant des résolutions qui frappent du blâme le plus sévère le directeur des constructions navales, M. Hansom, et le ministre, M. Robeson, et les déclarent indignes d’occuper leurs fonctions. Le président n’a tenu aucun compte de ces résolutions, et c’eût été le mal connaître que d’attendre de lui une conduite différente ; mais elles n’en pèseront pas moins de leur poids dans la balance électorale.

Le vote de ces résolutions a précédé de quelques jours la clôture de la session, qui s’est terminée le 15 août au soir. Les trois derniers mois de cette session, l’une des plus longues dont on ait mémoire, ont été remplis par une lutte acharnée entre le sénat et la chambre des représentans à propos des questions des finances. L’antagonisme des deux chambres rendait impossible le passage de toute