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le président s’est montré froissé du silence absolu que M. Hayes a gardé à son égard, et qui semble faire retomber sur lui personnellement tout le poids des critiques dirigées contre l’administration. Les chefs du parti républicain, dans les deux chambres du congrès, auraient fait observer avec une certaine aigreur que M. Hayes ne laissait plus rien à dire aux démocrates, et que ceux-ci pouvaient se borner, pour tout argument, à invoquer et à reproduire le langage du candidat républicain.

C’était au tour de M. Tilden de prendre la parole. Sa lettre s’est fait longtemps attendre : on est allé jusqu’à prétendre que l’accord était impossible avec M. Hendricks, et que le gouverneur de l’Indiana allait décliner la candidature à la vice-présidence. Il n’en était rien. M. Hendricks et M. Tilden, qui ont eu, à quinze jours de distance, deux conférences aux eaux de Saratoga, sondaient l’opinion publique et cherchaient à ramener les plus modérés des inflationistes en leur donnant une apparente satisfaction. M. Hendricks demanda et obtint que l’on fît voter par la chambre des représentans l’abrogation de la clause du bill de 1875 qui fixe au 1er janvier 1879 la reprise des paiemens en espèces. Ce vote d’abrogation ne tirait pas à conséquence, puisqu’il ne pouvait manquer d’être annulé par un vote contraire du sénat, mais il prouverait que le parti démocratique ne se considère pas comme lié par cette date de 1879, dont la trop grande proximité effraie beaucoup d’esprits dans l’ouest, en leur faisant appréhender une crise à bref délai, avant que les effets de la crise commerciale de 1873 aient pu être effacés. La chambre des représentans a été amenée, non sans peine, à voter la proposition de rappel que M. Hendricks souhaitait, mais en reconnaissant le caractère obligatoire et la nécessité de la reprise des paiemens en espèces, et en décidant qu’une commission serait chargée d’étudier et de proposer les mesures nécessaires pour l’exécution la plus prompte possible des engagemens de l’état. Le 5 août dernier, le vote de la chambre ne paraissant plus douteux, M. Tilden a publié sa lettre d’acceptation. Cette lettre, fort bien faite et fort intéressante, a le tort d’être démesurément longue. C’est un petit traité d’économie politique et de finances, dans lequel M. Tilden explique avec clarté et à l’aide de chiffres comment les dépenses excessives du gouvernement ont épuisé les épargnes de la nation et raréfié les capitaux, dont la disparition a pour conséquence la stagnation des affaires et la paralysie de l’industrie. Il s’attache à démontrer que les appréhensions excitées par la perspective d’une reprise des paiemens en espèces sont chimériques, et que le retour de la circulation métallique sera au contraire le remède aux souffrances dont on se plaint. Il accuse les républicains