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292, M. Bristow, qui venait le second, ne dépassait pas 120 voix ; 300 voix environ se répartissaient entre les autres candidats ; M. Hayes demeurait invariablement avec 68 suffrages. Au cinquième tour, un petit incident se produisit. Le chef de la délégation du Michigan annonça qu’après avoir jusque-là partagé ses suffrages entre M. Blaine et M. Hayes, cette délégation votait désormais unanimement pour Hayes, pour l’homme qui avait trois fois triomphé de la démocratie dans son état. Cette défection fut compensée pour M. Blaine par les voix nouvelles qui se portèrent sur lui en abandonnant quelque autre candidat. Au sixième tour, M. Blaine atteignit 308 voix et M. Hayes, devenu le second, n’en avait encore que 113. Il ne manquait plus à M. Blaine qu’une soixantaine de voix pour atteindre à la majorité absolue : son triomphe parut tellement inévitable, qu’une coalition se forma instantanément entre tous ses compétiteurs, dont on annonça le désistement en faveur de M. Hayes. Le septième tour de scrutin donna donc le résultat suivant : Hayes 384 voix, Blaine 351, Bristow 21. M. Hayes avait 5 voix de plus que la majorité absolue. M. Wheeler, représentant de New-York, fut ensuite choisi, à la presque unanimité, pour candidat à la vice-présidence.

M. Rutherford Hayes, que la convention venait de choisir comme candidat du parti républicain à la présidence, était à peu près inconnu en dehors de l’Ohio, son état natal. Les présidens Polk et Pierce n’étaient guère plus connus lorsque pareille aventure leur arriva. La discipline des partis est tellement rigoureuse aux États-Unis que l’obscurité d’un candidat n’est jamais un obstacle à son succès : la désignation par une convention régulière suffit pour l’investir immédiatement de tous les mérites et met à son service une immense publicité. Inconnu la veille, il est exalté le lendemain par mille journaux, et des centaines d’orateurs, parmi lesquels se trouvent souvent des hommes politiques plus connus et plus autorisés que lui, parcourent la confédération pour célébrer ses louanges dans une interminable série de réunions publiques. Deux jours après le vote de la convention de Cincinnati, il n’était pas un seul Américain qui n’eût lu au moins une biographie de M. Hayes, et, avant la fin de la semaine, son portrait était partout. M. Hayes est un homme jeune encore. Il est né, le 4 octobre 1822, à Delaware, dans l’Ohio ; c’est un homme de loi comme les neuf dixièmes des personnages politiques de son pays. Après avoir étudié le droit à Cambridge, il s’établit avocat à Cincinnati et obtint le poste lucratif et recherché d’avocat de la ville. Lorsque la guerre civile éclata, il concourut à la formation du 23e régiment des volontaires de l’Ohio et fut élu major de ce régiment, dont il devint plus tard le colonel. Il se