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carpet-baggers. Sénateur d’un des états de l’ouest, il croyait pouvoir compter sur les sympathies des populations de la vallée du Mississipi, et obtenir à ce titre la préférence sur tout candidat des états atlantiques. Enfin il pouvait faire valoir aux yeux du parti républicain tout entier les services qu’il avait rendus pendant la guerre, quand les populations de l’ouest, fatiguées de la lutte et des sacrifices qu’elle leur imposait, se montraient hésitantes. M. Morton, alors gouverneur de l’Indiana, avait tenu tête aux partisans de la paix dans la législature de son état ; il avait fait marcher les milices de l’Indiana au secours des troupes fédérales et avait, par cet exemple, ranimé le patriotisme défaillant des états voisins. M. Morton avait contre lui la faiblesse de sa santé, toujours chancelante, qui faisait appréhender qu’il ne fût pas en état de résister aux fatigues et aux préoccupations inséparables de la première magistrature au milieu de la crise que traversent les États-Unis. Appartenant à l’un des états où les théories inflationistes sont le plus accréditées, et obligé de ménager ses concitoyens, M. Morton n’avait pas, dans la question financière, la position nette et tranchée qui pouvait seule satisfaire les populations du nord. Une objection plus grave éloignait de lui les hommes modérés et sages de son parti. Il a pris, vis-à-vis du sud, une telle attitude que sa candidature aurait été interprétée par quatorze ou quinze états comme le prélude d’une recrudescence dans les persécutions, comme la déclaration d’une guerre à outrance. En présence de la conduite et du langage de tous les hommes influens du sud, lorsqu’on voyait ceux-là mêmes qui avaient joué le rôle le plus actif dans la guerre civile ne perdre aucune occasion de déclarer que la lutte était finie, et que les résultats de la guerre avec toutes leurs conséquences devaient être acceptés comme définitifs, lorsqu’il ne se réunissait pas au sud une seule assemblée ou une seule convention sans qu’elle n’inscrivît en tête de son programme une protestation de fidélité à l’Union, les hommes sages et vraiment politiques du nord estimaient que le moment était venu de mettre un terme au régime d’exception qui pèse sur le sud, et de reconquérir par des mesures de justice et de conciliation les sympathies d’une population ulcérée par douze années de souffrances.

La candidature de M. Morton devait donc être repoussée plus énergiquement encore que celle de M. Blaine par la fraction libérale du parti républicain. Si le vice-président Wilson n’avait été enlevé inopinément par une pleurésie, quelques jours avant l’ouverture de la session, il eût été infailliblement le porte-drapeau des idées de réforme et de conciliation. A son défaut, les républicains modérés et réformistes se rabattirent sur le secrétaire de la