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ESSAIS ET NOTICES.

LA CHARITÉ A NAPLES
Storia della carità Napolitana, per Teresa Filangiori Ravaschieri Fieschl. Napoli 1875.


C’est à la source intarissable de la douleur humaine qu’a été puisée la pensée de ce livre, dont je voudrais donner ici une analyse succincte. « À la mémoire de ma Lina, qui, un jour où je plaignais son martyre, me dit : Maman, il y a tant de pauvres qui souffrent. » Telle est la dédicace que porte le premier volume d’un ouvrage où la duchesse Ravaschieri Fieschi a entrepris de raconter l’histoire de la charité napolitaine, et l’on voudrait espérer qu’elle a trouvé en effet dans les austères consolations du travail cet apaisement qui n’est pas l’oubli. Une œuvre d’aussi longue haleine mérite mieux que de compter au nombre de ces écrits dont l’amour du prochain ou l’ardeur de la foi inspirent souvent la pensée aux femmes, œuvres où le cœur et la charité débordent, mais où le sens pratique fait parfois défaut. C’est un livre d’histoire dont les matériaux ont été puisés dans les vieilles chroniques napolitaines et dans les archives inédites des établissemens pieux. C’est aussi un livre d’économie sociale, rempli de détails précis sur l’état présent des principaux établissemens charitables de Naples et d’aperçus sagaces sur les principes qui doivent présider à leur réorganisation. La sûreté de vues et la fermeté de jugemens dont l’auteur fait preuve auraient même lieu d’étonner, si l’on ne savait pas que le sang qui coule dans les veines de la duchesse Ravaschieri est celui de l’illustre économiste Filangieri, dont elle est la petite-fille et dont elle semble avoir reçu en héritage le ferme esprit.

Ce double intérêt du passé et du présent ne suffirait peut-être pas pour enlever toute sécheresse à un ouvrage de cette nature, si l’ardeur d’un patriotisme exalté n’en réchauffait chaque ligne. De toutes les formes de la charité chrétienne, celle qui offre, d’après l’auteur, les plus belles pages dans le passé et les plus belles promesses dans l’avenir, c’est la charité napolitaine. À ses yeux, Naples n’a jamais cessé et ne cessera jamais de mériter l’éloge que lui accordait au IXe siècle un de ses évêques en l’appelant « ville de pitié et de miséricorde, source de toute bonté. » Peut-être même la duchesse Ravaschieri s’est-elle laissé entraîner par ce noble amour de son pays à une appréciation trop dédaigneuse des efforts tentés et des résultats obtenus par la charité chez les autres nations. Je ne puis m’empêcher en effet de relever ce jugement un peu superficiel et sévère qu’elle porte en passant sur notre