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prévoyantes mesures, on pouvait arriver à écarter certains obstacles qui retardent les mariages, à diminuer la mortalité, à préserver surtout les enfans nouveau-nés. C’est précisément à quoi peut servir une enquête en éclairant cette question si grave, si bien faite pour occuper tous les esprits sérieux qui ne font pas de la politique avec de banales déclamations, qui ont le patriotique souci de la prospérité, de la grandeur, de l’avenir du pays.

Il y a malheureusement dans ce problème économique de la population un fait, un accident de diminution qui n’a rien de mystérieux, qui s’explique tristement de lui-même, c’est la réduction forcée que la France a subie en perdant ses provinces de l’Alsace-Lorraine. Cette population, elle n’est plus à nous, elle a été la rançon d’une paix cruelle. Ces provinces ne comptent plus dans nos recensemens officiels, elles ne sont point cependant oubliées, elles sont en quelque sorte représentées au milieu de nous par cette bienfaisante société qui a été fondée pour la protection des Alsaciens-Lorrains, sous la présidence de M. le comte d’Haussonville. Ce n’est point une institution politique ou religieuse faite pour créer des embarras dans une situation dont les difficultés n’échappent à personne ; c’est une œuvre de souvenir, de sympathie et d’humanité. Elle a été créée pour venir en aide sans distinction, sans calcul, aux Alsaciens-Lorrains qui ont opté pour leur vieille patrie ou qui ont émigré après la guerre, et elle secourt ceux qui en ont besoin d’une manière aussi délicate que fructueuse et utile pour la France.

Il n’y a rien de banal dans cette humaine entreprise, conduite, avec autant de dévoûment que d’intelligence. Une protection ingénieuse suit cette population qui a quitté ses foyers pour rester française. La société a eu l’idée heureuse d’organiser, avec les Alsaciens-Lorrains, des villages en Afrique. Ces villages, que l’administration algérienne n’a pu voir sûrement que d’un bon œil, qu’elle a encouragés, existent aujourd’hui. Ils ont leurs habitations, leurs concessions, leurs terres, ils comptent plus de 300 habitans ; ils sont déjà presque en mesure de vivre par eux-mêmes sans avoir besoin de la tutelle qui les a aidés à naître, et cette population honnête, attachée à son œuvre, ne peut que devenir une force pour notre possession africaine, un des élémens les plus sérieux de la colonisation. Ce n’est pas tout.

La société, avec les dons d’un honorable et généreux bienfaiteur, a pu ouvrir au Vésinet une maison hospitalière destinée à recueillir des orphelines de l’Alsace-Lorraine. Cette maison existe déjà, elle aussi, comme les villages algériens ; elle a été dotée en partie par quelques personnes, notamment par un simple garde du génie ; il faut maintenant lui assurer un avenir certain, et, par une touchante inspiration, M. le comte d’Haussonville vient de s’adresser aux conseils-généraux en leur proposant de fonder des bourses dans la maison nouvelle. L’asile du Vésinet, agrandi et soutenu par les départemens, deviendrait ainsi