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blique qui suffirait à décourager les mieux intentionnés. Ils ne repoussent personne, non sûrement ! Que les esprits modérés consentent seulement à s’humilier devant eux, que les partisans de la monarchie constitutionnelle abjurent les erreurs du passé, ils resteront bien toujours un peu suspects, mais enfin on ne leur tiendra pas rigueur, on pourra les admettre à l’investiture républicaine qu’ils auront humblement sollicitée, on recevra leur soumission ! Fort bien, cette république, nous la connaissons, nous savons où elle irait, si on laissait faire ceux qui ont la prétention de la conduire, et ce n’est point certainement à celle-là que M. le ministre de l’intérieur songeait à Domfront lorsqu’il l’a représentée comme le port de refuge de la France. Il a entendu parler d’une république libérale, conservatrice, ouverte à toutes les opinions sensées et patriotiques, et en parlant de cette république, la seule qui puisse durer, il n’a point oublié sans doute que ses plus dangereux ennemis sont ceux qui, sous prétexte de l’appuyer, lui demandent chaque jour des concessions nouvelles, qui croient pouvoir lui imposer une politique de prévention et d’exclusion.

Le ministère auquel appartient M. de Marcère, qui se résume plus particulièrement dans le nom de son chef, M. Dufaure, ce ministère n’est point né après tout et n’existe pas pour faire une œuvre de parti. Il s’est formé pour pratiquer le régime nouveau avec une entière sincérité, sans subterfuge, comme aussi sans complaisance pour des passions ou des préjugés qui l’auraient bientôt compromis s’il en subissait l’influence. Qu’il se présente sans détour comme le ministère de la république, qu’il ne craigne pas d’avouer sa confiance dans les institutions dont il est le gardien au pouvoir, rien de plus loyal assurément ; mais avec la république et dans le cadre des institutions nouvelles, c’est la France qu’il sert avant tout, c’est à la réorganisation nationale, militaire, économique, universitaire du pays, qu’il doit sa première pensée. Là est son rôle essentiel, permanent, en dehors de toute considération de parti, et le remplacement récent de M. le général de Cissey par M. le général Berthaut au ministère de la guerre ne change rien à cette mission supérieure. Le caractère moral et politique du cabinet reste le même.

M. le général de Cissey a eu la fortune d’être presque constamment aux affaires depuis 1871, il a présidé aux premiers travaux de notre reconstitution militaire ; il y a peut-être usé sa santé, et dans tous les cas il a été la victime de la commission du budget, qui a trouvé en lui un ministre vraiment un peu trop débonnaire. M. le général de Cissey, soit fatigue, soit répugnance pour certaines luttes, n’a pas toujours défendu son budget comme il aurait pu le défendre ; il n’a pas été soutenu par ses collègues dans quelques circonstances où le cabinet aurait du s’engager avec lui, et en fin de compte, il faut bien l’avouer, il est sorti