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LE MONUMENT
DE
HENRI REGNAULT

Le mois d’août est en France plus particulièrement consacré à la jeunesse. C’est le mois où l’Université fête et couronne ses lauréats, où d’heureux vainqueurs, dans les écoles comme dans les lycées, reçoivent avec les palmes qu’ils ont conquises par leur travail de paternels encouragemens, de sages avis, que l’émotion du triomphe ne leur laisse pas toujours le loisir d’écouter. En 1873, lord Derby, chargé de présider à la distribution des prix dans le collège de Liverpool, commençait son discours en disant : « Je félicite ceux d’entre vous qui ont obtenu les honneurs de cette journée. A moins que leur vie ne soit très différente de celle de la plupart des hommes, ils ne goûteront pas souvent dans la carrière qu’ils sont appelés à fournir des joies aussi douces que celle qu’ils savourent aujourd’hui ; ils savent que leur succès a été bien mérité, ils savent aussi que personne ne songe à leur en faire payer la rançon. Les victoires de l’âge adulte, dans quelque sphère de : action que ce soit, sont remportées le plus souvent au prix de grands efforts : on nous les conteste tant qu’elles ont le charme de la nouveauté ; on ne renonce à nous les disputer qu’après qu’elles ont perdu avec leur première fraîcheur le principal attrait qu’elles avaient pour nous. »

À ces réflexions quelque peu mélancoliques, l’illustre homme d’état ajoutait d’utiles avertissemens. Il rappelait aux lauréats que les plus brillans débuts ne répondent pas toujours de l’avenir, que les aptitudes naturelles ne suffisent point, que le monde appartient aux attentifs, aux disciplinés, aux persévérons, à ceux qui joignent à une forte volonté l’esprit de détail et de précision, que les piocheurs, eussent-ils la