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de l’âge viril. Ajoutons que, si tout individu entre dans la première phase de la vie, un certain nombre seulement arrivent à la seconde, et très peu atteignent la troisième. Il faut en effet un concours assez complexe de circonstances pour favoriser l’éclosion des facultés esthétiques, et les sévères méthodes de l’abstraction scientifique supposant un certain degré de puissance intellectuelle, la science est le privilège d’un petit nombre d’élus.

Si nous étudions l’homme dans sa dernière période, nous observons tout d’abord entre l’être moral et l’être physique une sorte de dualisme que nous retrouverons bientôt sous une autre forme entre l’humanité d’une part, la planète de l’autre. On sait que le mouvement vital résulte d’un double travail de composition et de décomposition organique, le premier puisant dans les alimens et l’air respiratoire les matériaux nécessaires pour la formation des diverses parties du corps ; le second, qui agit en sens inverse, restituant au milieu ambiant les élémens empruntés par le premier. Au début, c’est-à-dire dans l’enfance et l’adolescence, c’est le mouvement de composition qui l’emporte ; les organes, recevant plus de matériaux qu’ils n’en usent, peuvent grandir, se fortifier, atteindre leurs limites normales. Pendant l’âge viril proprement dit, les deux forces se font à peu près équilibre. Dans les années qui suivent, la décomposition, prenant le dessus, démolit pièce à pièce l’édifice élevé pendant la première période. Les organes s’atrophient et diminuent de volume, le sang perd sa plasticité et sa vigueur, la marche de la machine devient chaque jour plus lente et plus pénible. Cependant les facultés intellectuelles et morales ne participent pas d’abord à ce mouvement de recul, elles continuent à mûrir et à se développer comme si l’être moral grandissait aux dépens de l’être physique. On sait que beaucoup de vieillards conservent jusque dans un âge avancé une lucidité d’esprit et une sûreté de jugement remarquables ; mais arrive le moment où le dépérissement des forces physiques a son contre-coup dans la production des phénomènes de l’intelligence. La mémoire devient paresseuse, se trouble et finit par disparaître. Dès lors plus de netteté dans les idées, et les facultés cérébrales s’éteignent avant que la mort, dernier terme de la quatrième phase de la vie, vienne clore le cycle de l’existence. Telle est en quelques mots l’analyse de l’être humain dans les races privilégiées, lorsque aucune cause perturbatrice ne vient entraver son essor ni arrêter, avant l’heure, le cours normal de la vie. Les quatre manières d’être de l’évolution individuelle, enfance, adolescence, âge viril, vieillesse, correspondent à autant de périodes qu’on peut caractériser par la dénomination de formation physique, floraison esthétique, maturité scientifique, décomposition organique. Ces