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de se débarrasser, car ils sont en quelque sorte une partie intégrante de nous-mêmes, et qu’il faut cependant éliminer, si l’on veut apprécier d’une manière saine et impartiale les événemens humains. Toutes ces difficultés ont été résumées de la manière la plus heureuse par Spencer dans un mot emprunté aux sciences mathématiques, l’équation personnelle. C’est pour ne pas avoir tenu compte de son équation personnelle, équation formidable chez un penseur de sa trempe, qu’Auguste Comte, après avoir esquissé les grandes lignes de la science sociale, ou plutôt de la méthode, fit fausse route dès qu’il voulut entrer dans la voie des applications. Il n’en fallait pas davantage pour jeter une certaine défaveur sur ce genre de recherches et pour en éloigner les esprits désireux de certitude. Mais si les essais de synthèse font défaut, il n’en est pas de même des travaux de détail, des aperçus de tout genre empruntés aux sciences qui touchent par un point quelconque à l’anthropologie. Nous voudrions exposer sommairement quelques-uns de ces aperçus relatifs à l’évolution historique des peuples. Chemin faisant, nous aurons occasion de montrer quelles clartés inattendues sont venus jeter sur les études sociologiques les progrès accomplis par les sciences naturelles dans ces dernières années.


I

Il est d’axiome en sociologie que l’étude de cette science suppose la connaissance préalable de la biologie, à laquelle elle emprunte ses méthodes d’investigation, et dont elle n’est en quelque sorte que l’épanouissement terminal. Comme on l’ajustement observé, l’homme est à la fois le problème final de la science de la vie et le facteur initial de la science des sociétés. Le corps social est un agrégat vivant dont l’être humain forme l’unité primordiale, en d’autres termes un véritable organisme qui grandit et se développe comme tous les êtres doués de vie, obéissant comme ces derniers à la loi du progrès, loi qui se manifeste en sociologie comme en biologie par la différenciation de mieux en mieux marquée des parties et par la division de plus en plus grande du travail.

Ces analogies ont été confirmées et en quelque sorte complétées par une découverte qu’on peut considérer comme le plus merveilleux peut-être des résultats obtenus depuis un demi-siècle par la zoologie expérimentale. Nous voulons parler de la relation qui unit l’évolution de l’individu à celle de l’espèce, relation si étroite que toute la série des transformations que subit un animal quelconque depuis la cellule embryonnaire jusqu’à son complet développement, reproduit sous une forme abrégée et comme en