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le ravissant paysage, un ouvrier allemand s’approche de lui et le prie de se charger d’un message pour le pays natal. La conversation s’engage. L’ouvrier raconte son histoire et fait voir combien son salaire est minime et quelles privations il doit s’imposer pour en vivre. Cela fait réfléchir Mario. « D’où vient, se demande-t-il, que cette charmante vallée qui semble un coin du paradis cache tant de misère ? La faute en est-elle à l’homme ou à la nature ? Jusqu’à présent j’admirais la puissance des machines et les merveilles de l’industrie sans m’enquérir du sort de ceux qu’elle emploie. Je calculais la quantité des produits, je ne cherchais pas à savoir combien en étaient privés. » A cet instant, il prend la résolution d’approfondir ce problème qui ne lui laisse plus de repos. Il étudie d’abord quelle est la condition des différentes classes dans les pays civilisés, et partout il trouve la misère, la gêne, l’inquiétude, la souffrance chez les maîtres non moins que chez les ouvriers, dans les grandes villes, siège de l’opulence et du luxe, comme dans la chaumière du campagnard, dans les plaines fertiles de la Belgique et de la Lombardie tout autant que dans les régions élevées de la Suède ou de la Bohême. — Cherchant ensuite les causes de cette affligeante situation, il croit découvrir qu’elle gît non dans la nature et dans ses lois nécessaires, mais dans les institutions et dans les lois humaines. Il en conclut que le seul moyen de porter remède aux maux dont souffrent les sociétés est de réformer celles-ci et de les améliorer. Ses recherches l’avaient convaincu que les perfectionnemens de l’industrie, quelque grands qu’ils fussent, ne pouvaient aboutir à rendre l’aisance générale. Les progrès ultérieurs de la civilisation dépendaient donc de ceux de l’économie politique. Aussi considérait-il cette science comme la plus importante de toutes à notre époque. Rien n’est plus vrai, la question économique est au fond de tous nos débats. Ce sont les revendications des classes inférieures qui alarment les conservateurs et mettent ainsi la liberté en péril. Platon disait que dans chaque cité il y avait deux nations ennemies en présence, les riches et les pauvres. Dans les démocraties modernes, une situation semblable apparaît. Les révoltés de la commune détestaient bien plus « les Versaillais » que les Prussiens, et les socialistes allemands faisaient des vœux pour la république française et contre leur propre pays.

Pourquoi dans nos sociétés si opulentes y a-t-il encore tant de misères ? Comment se fait-il que l’Angleterre, qui tisse assez d’étoffes pour recouvrir le pourtour de la planète compte tant de nécessiteux à peine vêtus ? La science dompte toutes les résistances de la nature et la puissance des machines est illimitée ; pourquoi tant de familles manquent-elles du nécessaire ? Est-ce parce que le