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s’agit d’un budget qui va en croissant, qui atteint aujourd’hui au chiffre de 530 millions pour l’armée ; mais parlons franchement. Est-ce le rôle des assemblées de descendre jusque dans les plus vulgaires particularités, jusqu’à des évaluations nécessairement un peu élastiques, où une certaine part doit être laissée à la responsabilité de l’administration ? M. Langlois, qui est un vaillant homme, est à coup sûr en même temps et par surcroît un comptable de première force qui met les chiffres en bataille, — au risque de se tromper quelquefois à la colonne des millions, — qui a tout juste la « férocité » spirituellement exigée un jour par M. Thiers dans l’examen du budget. Il a tout compté ; il a mesuré la dimension des pantalons de nos soldats, et, à un centime près, il sait ce que doivent coûter les vivres. Il rogne sur le chauffage de l’école de Fontainebleau et même sur les laboratoires. Il retranche impitoyablement des officiers à M. le ministre de la guerre, à M. le gouverneur de Paris, même à l’état-major général de l’armée, sans se demander s’il fait des économies bien sérieuses ou s’il n’y a pas des services qui peuvent souffrir de ce système à outrance, Il ne néglige pas de prendre l’administration en faute à chaque pas, et chemin faisant, il lui enseignera l’art de nourrir les chevaux à bon marché. Ce terrible M. Langlois est un homme universel, qui promène partout un œil scrutateur et habile à saisir les moindres abus ou ce qu’il prend pour des abus. Fort bien ! Et après ? Où veut-il en venir ?

Ce qu’il y a de plus grave, c’est que tout cela est plein de soupçons à peine déguisés, parfois lancés assez légèrement, et que, si la moitié de ce qu’on dit ou de ce qu’on laisse entendre avait quelque vérité, il ne faudrait pas se contenter d’un mot dans un rapport. Après tout, ce n’est pas seulement une affaire entre comptables. Si on n’a pas confiance dans le gouvernement, dans le chef de l’administration de la guerre, qu’on le renverse ; si on a confiance en lui, qu’on ne le diminue pas à plaisir par des querelles peu sérieuses ; qu’on ne renouvelle pas ce spectacle pénible des dernières discussions de la chambre des députés où M. le ministre de la guerre s’est cru obligé de pousser vraiment fort loin l’esprit de résignation et de condescendance. M. le général de Cissey a certes fait tout ce qu’il fallait pour ne point entrer en lutte avec une puissance telle que la commission du budget, représentée par M. Gambetta et M. Langlois. A chaque exigence, il s’est plu à répondre : « On avisera, on fera ce que demande la commission,… le service en souffrira peut-être, même certainement, enfin nous nous arrangerons… » M. le ministre de la guerre a mis toute la bonté possible à se laisser maltraiter ; mais on peut se demander si c’est bien là l’attitude d’un gouvernement, et lorsqu’à la dernière heure le président de la commission du budget, M. Gambetta, est venu parler de conciliation, dégager en quelque sorte de ces débats la présence de M. le général de