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d’un rôle utile et efficace est d’accepter sans subterfuge la nécessité des choses, de n’avoir pas toujours l’air de préparer des crises, de prendre pour règle l’intérêt supérieur et permanent du pays dans la solution des questions qui se succèdent.

C’est surtout le malheur ou la faute du parti conservateur de n’avoir point saisi ce qu’il pouvait trouver de force nouvelle dans ce rôle largement et franchement accepté. Évidemment il ne l’a pas compris, ceux qui le conduisent ne l’ont pas compris pour lui. Il est resté plus que jamais, après la constitution comme dans la dernière assemblée, ce qu’on l’a fait depuis quelques années, un amalgame d’hostilités légitimistes, bonapartistes, cléricales, coalisées dans une pensée de résistance commune. Il a réussi quelquefois sans doute, il a fait triompher l’élection de M. Buffet, il a pu se donner la satisfaction d’arrêter au passage la loi sur la collation des grades ; il peut obtenir encore quelques succès de ce genre, et, en définitive, à quoi arrive-t-il ? Il est nécessairement réduit à l’impuissance par la nature même des élémens qui le composent ; il est condamné à être plus ou moins suspect par la couleur bonapartiste ou cléricale qu’il se donne alternativement. Le candidat de son choix dans la dernière élection sénatoriale, c’est M. Chesnelong, et le voilà arrivé à considérer M. Dufaure comme un radical ! C’est une force de négation ou de réaction malheureusement inutile et peut-être dangereuse. — Eh bien ! supposez au contraire un vrai parti conservateur comprenant autrement son rôle, se plaçant sans réticence dans la république constitutionnelle, évitant surtout de s’asservir à des rancunes ou à des espérances qui ne peuvent qu’être une menace pour la paix intérieure de la France : il est bien certain que ce parti pourrait avoir une action aussi utile que décisive. Au lieu d’être un embarras pour le gouvernement, il serait une force et un appui. Au lieu d’être comme l’expression vivante d’une idée de conflit ou de défi pour une majorité plus ardente dans l’autre chambre, il ne serait qu’un frein salutaire et respecté. Depuis six mois, il aurait rendu plus d’un service à cette constitution qui débute, à la république que certains républicains n’aident pas toujours à vivre d’une vie facile, au ministère lui-même en lui épargnant plus d’une complaisance d’action ou de langage peut-être inévitable et probablement aussi pénible que nécessaire. Il aurait eu à coup sûr un ascendant réel, et, pour tout dire, pour prendre un exemple de circonstance, un parti conservateur qui n’aurait pas eu l’idée de voir dans M. Dufaure un adversaire, qui aurait refusé de livrer le droit de l’état dans la collation des grades, ce parti aurait eu d’autant plus d’autorité au moment où est survenue cette discussion de la loi des maires qui a été certainement une des plus brillantes et des plus instructives discussions sur une des questions les plus délicates.

Oui, si le vrai parti de la modération conservatrice et libérale existait