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arrière-pensées, les antipathies jalouses, les préoccupations de partis. L’un de ces faits est l’examen du budget, surtout du budget de la guerre, dans la chambre des députés ; les deux autres sont la loi sur la collation des grades et la loi sur les maires, qui restent comme le dernier mot, comme la forme saisissable de toutes les contradictions parlementaires.

L’autre jour, c’était la loi sur la collation des grades qui, après avoir été votée avec une sorte d’empressement provocant par la chambre des députés, était repoussée par le sénat. Aujourd’hui, à la dernière heure de la session, la loi des maires, plus favorisée, est votée par le sénat, non toutefois sans une modification prévoyante qui fait disparaître la chance d’une crise inutile d’élections municipales et qui a été d’ailleurs immédiatement acceptée par la seconde chambre ; mais, après tout, s’agit-il sérieusement de ces lois ? S’agit-il même du budget lorsqu’on dispute ses crédits à M. le ministre de la guerre ? Au fond, ce qui fait la gravité de ces questions, c’est qu’elles n’ont été et elles ne sont évidemment pour les partis qu’une occasion de se mesurer et de se défier, de se livrer à toute une stratégie de coalitions et de démonstrations dont l’unique résultat est de laisser le pays étonné et incertain. Les lois sont le prétexte, la vérité est que depuis cinq mois il y a une situation parlementaire qui ne peut arriver à se dégager et à se fixer ; il y a une majorité républicaine qui ne sait pas bien toujours si elle sera modérée ou violente, qui se sert impatiemment de tout, de l’enseignement supérieur, de la nomination des maires comme du budget, et il y a des tronçons conservateurs qui essaient de se rejoindre, de retrouver un centre d’action, un lien et une direction. Le mal profond, c’est que dans toutes ces mêlées confuses, pour les uns et les autres, la légalité n’est le plus souvent qu’une fiction, le régime constitutionnel du 25 février n’est encore qu’un terrain de combat, et l’on se souvient involontairement de ce mot de M. Thiers lorsqu’il était au pouvoir : il prétendait qu’il passait sa vie à empêcher les partis de se dévorer. Les conditions sont sans doute un peu adoucies, elles sont surtout modifiées par la coexistence de deux chambres ; elles sont loin d’être complètement transformées, et aujourd’hui comme il y a trois ans, c’est la même lutte de prétentions à outrance, d’arrière-pensées irréconciliables. On a beau faire, quelles que soient les apparences, il n’est point douteux que, si les républicains étaient maîtres de se laisser aller à leurs impatiences et à leurs fantaisies, ils ne tarderaient pas à nous créer une république qui ne serait pas la république de la constitution, et à leur tour, si les conservateurs avaient l’ascendant qu’ils ont perdu par leurs fautes, ils nous auraient bientôt ramenés à de redoutables conflits. Les uns et les autres traînent dans une situation nouvelle, censée régulière, leurs vieilles passions, leurs vieilles tactiques, leurs vieux préjugés. Ils oublient que pour des partis sérieux la première condition