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LOUIS XIII ET RICHELIEU
A PROPOS D'UN LIVRE NOUVEAU

Louis XIII et Richelieu, étude historique, accompagnée des lettres inédites du roi au cardinal de Richelieu, par M. Marius Topin, Paris 1876.

On raconte que, Louis XIII et Richelieu se rencontrant au seuil d’une porte, le roi d’un ton revêche et grognon dit à son ministre : « Passez, monsieur le cardinal, n’êtes-vous point ici le maître ? » Sur quoi, Richelieu saisit à l’instant un flambeau des mains d’un domestique et, prenant le pas, répondit : « A vos ordres, sire, mais pour obéir à votre majesté et remplir l’office du plus humble de ses valets. » Il y a de ces anecdotes qui d’un trait caractérisent toute une situation ; celle-ci me semble donner la juste mesure des rapports de ce roi et de ce ministre. Que le ministre ait dominé, plané, qui en doute ? Que le roi n’ait ressenti aucune amertume de cette supériorité si haut et partout affirmée, comment le soutenir ? Seulement peut-on reconnaître que les apparences furent sauvées, et que, grâce d’une part à des ménagemens respectueux, à d’incessantes protestations d’obéissance, grâce, de l’autre, à des trésors de patience, d’indolence et d’hypocrisie, ce maître jaloux de son pouvoir et ce serviteur despotique finirent par trouver un modus vivendi qui leur permit, tout en se haïssant, de se dévouer au bien de l’État et du peuple, lequel ne se montra jamais trop mécontent d’un régime armé contre les grands et laissant vivre les petits tranquillement à l’ombre de la loi.

Rudes avaient été les commencemens, et le fils de Marie de Médicis ne se souciait point de repasser par les sentiers de sa jeunesse. Il en avait assez de ces révoltes à l’intérieur et savait ce qu’en fait de république féodale le protestantisme, servant de prétexte à l’ambition des princes et des hauts barons, réservait à l’avenir de la monarchie. Du programme, on ne s’en cachait plus,