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royaume qui tenait l’entrée de la Baltique, dont l’Angleterre avait naguère pris la flotte de vive force pour l’empêcher de tomber dans les mains de Napoléon Ier, qui enfin venait de lui donner une princesse de Galles. La « rose du Danemark » ne put sauver son pays natal : quand l’exécution fédérale commença et quand deux puissans empires unirent leurs forces contre le Danemark, il fut question un moment d’une médiation anglo-française ; l’Angleterre devait envoyer une escadre à Copenhague et la France mettre un corps d’armée sur les frontières de la Prusse. Voici ce que Palmerston écrivait à lord Russell à propos de ces projets :

« Mon cher Russell, je partage tout à fait votre indignation. La conduite de l’Autriche et de la Prusse est honteuse et mauvaise, et l’une de ces deux puissances sera punie avant que ces affaires ne soient terminées. J’ai toutefois des doutes sur l’opportunité des mesures que l’on propose de prendre. Le gouvernement français refusera sans doute de s’y associer, à moins qu’il ne soit tenté par la suggestion que l’on fait de mettre une armée sur la frontière rhénane en cas de refus de l’Autriche et de la Prusse, refus qu’on peut tenir pour certain… La vérité est qu’un conflit militaire avec toute l’Allemagne sur le continent serait une entreprise sérieuse. Si la Suède et le Danemark coopéraient activement avec nous, nos 20,000 hommes pourraient beaucoup ; mais l’Autriche et la Prusse en amèneraient 200,000 ou 300,000 sur le terrain, et les petits états allemands se joindraient à elles. En second lieu, bien qu’il soit très utile de rappeler aux Autrichiens et aux Prussiens les dangers qu’ils courent chez eux, l’Autriche en Italie, en Hongrie et en Gallicie, la Prusse dans ses provinces rhénanes, il n’est point de notre intérêt de suggérer à la France une attaque sur le territoire rhénan de la Prusse. La Prusse n’aurait que ce qu’elle mérite si cette attaque était faite, et si la Prusse reste dans son tort, nous ne pouvons prendre parti avec elle contre la France ; mais la conquête de ce territoire par la France serait mauvaise pour nous et affecterait sérieusement la position de la Hollande et de la Belgique. En somme, il me semble que le meilleur est d’attendre un peu avant de prendre quelque forte mesure. » (13 février 1866.)

L’Angleterre se trouvait isolée ; Napoléon III, piqué d’avoir vu l’Angleterre souffler sur la bulle du congrès, attendait des propositions qu’on n’était point disposé à lui faire : la Russie était liée par les promesses mystérieuses qui avaient été échangées pendant l’insurrection de Pologne. Palmerston, irrité, attendait une occasion ; après la prise de Düppel, il apprend qu’il est question de renforcer la flotte allemande dans la Baltique, il demande une entrevue au comte Apponyi, et lui dit que, si une escadre autrichienne passe dans les eaux anglaises pour aller dans la Baltique et coopérer