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mais de puissantes raisons lui faisaient désirer une paix immédiate, Le nouveau ministère anglais était à peine formé que M. de Persigny demanda à lord John Russell l’interposition de l’Angleterre entre les belligérans, en vue d’un armistice. Le 6 juin, dix-huit jours par conséquent avant la bataille de Solferino, Palmerston écrivait à lord John Russell : « Plus je pense à la proposition de Persigny, moins je l’aime et plus j’incline à croire que nous ne devons pas nous engager et nous commettre en l’adoptant. » Palmerston explique ensuite très clairement que celui qui propose un armistice doit avoir pris son parti sur les termes principaux d’une paix acceptable : « si l’on ne peut réussir à les trouver et à les faire accepter, l’un des belligérans a le droit de vous reprocher d’avoir borné sa victoire, l’autre d’avoir travaillé à sa défaite. » Que proposait M. de Persigny ? « Son plan consiste à donner la Vénétie et Modène à un archiduc autrichien, en qualité de souverain indépendant, pour placer une sorte d’état neutre entre le Piémont et l’Autriche. Mais quel serait le résultat ? Les mêmes influences autrichiennes et l’ingérence qui ont été le fléau de la Toscane affligeraient bientôt ce nouvel état… Si le plan sort de la tête de l’empereur lui-même, il a été suggéré par la jalousie de la Sardaigne et sa tendresse pour le pape ; mais nous n’éprouvons aucune de ces deux affections mentales. Le plan d’ailleurs oublie les vœux des Italiens, et on nous demande de proposer aux belligérans de distribuer les nations de l’Italie, comme si nous pouvions en disposer. Je ne puis m’associer au projet de Persigny. »

Nous voyons se dessiner dans cette lutte les linéamens de la politique que l’Angleterre allait opposer à la France, ou plutôt à l’empereur Napoléon III : celui-ci refusait toujours quelque chose à la maison de Savoie, mais il avait beaucoup à lui livrer ; l’Angleterre accordait tout, mais n’avait rien à donner. Aussitôt après Villa — franca, Palmerston devint « italianissime, » pour employer un mot de l’époque. Les armes françaises avaient conquis la Lombardie pour le roi de Piémont. Les plumes anglaises lui offrirent les duchés, le royaume de Naples, Rome, toute l’Italie. Dès qu’il eut connaissance des préliminaires de paix, Palmerston écrivit la lettre suivante : « Mon cher Persigny, si je comprends ce qui va être arrêté pour l’Italie, il est question d’une confédération italienne où l’Autriche prendrait place en vertu de la Vénétie ; un tel arrangement serait funeste et mettrait l’Italie au désespoir… » Pour une confédération d’états purement italiens, il réserve son opinion : « C’est une question qui mérite examen ; il y a du pour et du contre. Le pape, Naples, Toscane, Modena, seraient toujours pour l’absolutisme, le Piémont seul pour un système libéral ; comment on parviendrait à s’entendre, c’est ce qui reste à savoir. » (13 juillet 1859.)