Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/894

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

offensant à Compiègne ; tant pis, il n’y a que la vérité qui blesse. » A peu de jours de là, il obtient du parlement, en dépit de très vives résistances, la loi qui soustrait l’Inde au gouvernement de la Compagnie et la place sous l’autorité directe de la couronne anglaise.

L’attorney-général l’accompagna chez lui après le discours qu’il prononça à cette occasion et lui dit en chemin qu’il avait besoin, comme les triomphateurs romains, de quelqu’un qui lui rappelât qu’il était mortel. Une semaine après, le parlement le lui signifiait d’une façon moins courtoise. Un attentat fut commis le 14 janvier 1857 contre la personne de Napoléon : le crime avait été préparé en Angleterre ; le comte Walewski en fit des représentations à lord Palmerston, qui présenta un projet de loi en vertu duquel la conspiration en vue d’un meurtre, jusqu’alors considérée comme misdemeanor, pouvait être poursuivie comme une félonie et devenait punissable de la servitude pénale. Cette loi, votée en première lecture à une très grande majorité, aurait sans doute été adoptée, si le Moniteur officiel français n’avait publié les adresses de quelques colonels qui reprochaient à l’Angleterre d’accorder sa protection à tous les assassins. Le soulèvement de l’opinion emporta comme une marée et la loi et lord Palmerston. Les communes exprimèrent le regret que « le gouvernement de sa majesté, avant d’inviter le parlement à amender la loi sur la conspiration, n’eût pas considéré comme son devoir de répondre à l’importante dépêche du gouvernement français du 20 janvier. »

Cette défaite fut comme un coup de foudre dans un ciel bleu. Pour la seconde fois, Palmerston tombait, au moment même où son pouvoir semblait le plus assuré ; cette fois encore il devait être ramené aux affaires par son allié impérial. La guerre de Crimée l’avait fait sortir de la disgrâce, la guerre d’Italie devait le rendre encore une fois indispensable.

Le ministère de lord Derby, qui avait succédé à lord Palmerston, ne montra aucune complaisance pour les grands projets que Napoléon III avait conçus pour l’Italie. Pendant l’automne de 1857, lord Palmerston alla faire une visite à Compiègne : il y fut très enguirlandé ; on lui fit assez de confidences pour le flatter, pas assez pour qu’il pût déranger les combinaisons qui se préparaient. Quand Palmerston repartit pour l’Angleterre, il était convaincu que la guerre était prochaine. L’illusion ne fut plus guère possible après la scène fameuse du jour de l’an, quand Napoléon III exprima son mécontentement à M. de Hübner :

Et totum nutu tremefecit olympum.


Lord Palmerston n’avança d’abord que timidement dans la voie où Napoléon III l’appelait : comme lord Derby, il déclara que l’on ne