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préparé en Hongrie, mais par des partisans du prétendant Kara-Georgiévitch. Le cabinet de Pesth, heureux d’avoir une occasion de sévir contre la fraction la plus ardente du parti serbe, fit arrêter comme complices de ce meurtre plusieurs membres de l’Omladina. Il ne put faire arrêter Milétitch, couvert par sa qualité de membre de la diète, mais il le suspendit de ses fonctions de maire de Novi-Sad. Milétitch interpella le gouvernement à la diète sur ces arrestations arbitraires, et sur le soupçon odieux qu’on faisait peser sur lui : « Si je suis un assassin, s’écria-t-il, pendez-moi, mais n’essayez pas de justifier par cette accusation ma destitution du poste de maire. » Le ministre hongrois répondit que cette mesure avait été prise par égard pour le gouvernement serbe. L’accusation manquait de fondement ; les personnes arrêtées durent être relâchées sans avoir été poursuivies. En même temps, la régence organisée à Belgrade au nom du prince Milan adoptait une politique différente et indépendante de toute pression du cabinet de Pesth.

Une des questions auxquelles l’Omladina (et nous employons désormais ce nom d’une façon générale pour désigner le parti des Jeunes-Serbes en Hongrie) attachait, et avec raison, le plus d’importance, était la question des écoles et de l’enseignement du peuple. En effet, dans les pays de langues mêlées, la prédominance de la langue imposée aux écoles et l’esprit de l’enseignement exercent une influence considérable sur les futures générations. Avec l’aide du temps, ces influences absorbent les nationalités inertes (témoin les Slaves de Lusace) et entament les plus vivaces (témoin la Pologne prussienne). La loi scolaire votée en 1868 par la diète hongroise ne manqua pas de s’inspirer de ces principes. « Aux termes de cette loi, dit M. Picot, les établissemens consacrés à l’instruction populaire, c’est-à-dire les écoles primaires, professionnelles et normales, sont divisés en deux classes : les établissemens de l’état, où l’enseignement est laïque, et les établissemens que les diverses confessions religieuses sont autorisées à fonder pour leurs adhérent. Dans les premiers, l’enseignement doit être fait en langue magyare, les autres idiomes du pays n’étant plus qu’un accessoire purement facultatif ; dans les seconds, au contraire, la langue de l’enseignement peut être choisie par la confession qui entretient l’école, à charge toutefois d’y faire entrer certaines matières obligatoires. Ces matières obligatoires varient suivant le degré auquel l’école appartient : ainsi, dans les écoles normales primaires que l’église serbe peut créer, les élèves-maîtres sont tenus d’apprendre l’allemand à côté du magyar ; c’est une concession faite au dualisme aux dépens des idiomes slaves ou du roumain. » On le voit, pour avoir des écoles où l’enseignement se donnât dans leur langue, les nations non magyares de la Hongrie devaient