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allemands, les Serbes enrôlés dans ces territoires avaient du moins la satisfaction de se sentir compactes ; de plus, ils relevaient directement de l’administration de la guerre autrichienne, dont le siège était à Vienne, et n’avaient pas à subir l’ingérence des Magyars ; ils n’avaient en un mot qu’un maître, tandis que les Serbes établis dans les comitats en avaient deux. » Un état aussi précaire était fécond en désordres de tout genre. Quelque temps après, en 1736, éclatait parmi les Serbes de la Maros une insurrection promptement et cruellement réprimée. Trois ans plus tard, la milice serbe servait à étouffer avec une semblable rigueur une insurrection des paysans roumains du banat, sorte de jacquerie provoquée par la misère, par les incursions des Turcs et par les vexations des impériaux.

L’avènement de Marie-Thérèse en 1740 parut aux Serbes le moment favorable d’obtenir la confirmation et l’accomplissement de leurs privilèges ; mais Marie-Thérèse avait trop besoin du concours des Magyars et de la diète hongroise pour que ces espérances pussent se réaliser. Bien plus, dès 1741, la diète hongroise prit des mesures propres à briser l’organisation des Serbes. Sa première mesure fut de supprimer les confins militaires organisés en Sirmie, dans la Basse-Slavonie, dans les comitats de Bács, Bodrog, Csongrád, Arad, Csanad et Zaránd, et dans le banat de Temesvár. Cette mesure atteignait principalement les Serbes, car, sauf dans la partie orientale du banat et sur la rive droite de la Maros, où ils étaient mêlés aux Roumains, ils formaient exclusivement la population de cette région. Les régimens dissous, leurs territoires étaient incorporés aux comitats et leurs habitans soumis aux seigneurs magyars. La reine Marie-Thérèse, qui ne pouvait s’opposer directement à cette décision, obtint du moins de la diète que l’organisation des confins subsisterait provisoirement jusqu’à la paix. En même temps, la diète redoublait de sévérité à l’égard des schismatiques, et ces mesures frappaient directement les Serbes. Une loi de la même année (1741) établissait que quiconque refuserait de se soumettre à l’autorité de l’église catholique ne pourrait obtenir aucun emploi. En outre, on enlevait au métropolitain serbe son autorité légale sur une partie de ses fidèles en lui déniant tout droit de juridiction sur le clergé et les paroisses de Croatie et de Slavonie.

Dans ces deux régions en effet, on essayait depuis longtemps déjà d’imposer l’union (avec Rome) au peuple du rite oriental. Des évêques grecs-unis, installés et imposés par l’empereur, s’employaient à cette besogne. L’apostasie d’évêques du rite oriental fournit au pouvoir de nouveaux instrumens. Mais le peuple ne voulait pas accepter l’union ; cette propagande resta sans fruits, et lorsqu’on voulut faire le recensement des grecs-unis de Slavonie on n’en trouva pas un seul. Une persécution religieuse, dirigée surtout contre le