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principe de toutes les transformations des êtres ; suivant d’autres, elles rappellent le voyage des âmes vers les Iles Fortunées ; un troisième parti veut qu’elles représentent le bonheur des héros aux Champs Élysées. Sans se préoccuper de ces assurances, l’auteur du mémoire s’applique d’abord à connaître le plus grand nombre de ces sarcophages, puis à les dater, puis à savoir de quelles localités ils proviennent ; il les dispose par séries suivant les analogies qu’offrent entre elles ces représentations, ici les simples vues de ports, là les monstres marins. Il recherche ensuite soit les images maritimes sur d’autres monumens de l’antiquité, soit les textes classiques concernant les Iles Fortunées et les Champs Élysées, et les divers examens lui apportent cette conviction que les textes concernant les croyances romaines sur la vie future et l’immortalité de l’âme n’ont pas de rapport avec ces figures, qu’un grand nombre d’entre elles reproduisent simplement des bas-reliefs ornant les temples de Neptune, que les mêmes monstres se retrouvent dans les peintures de Pompéi, que ces sarcophages représentaient des motifs purement décoratifs ; tout au plus, provenant pour la plupart de villes situées sur les côtes, rappelaient-ils la patrie et les plus chères occupations du mort. L’auteur de cette dissertation a réuni jusqu’à 160 monumens ; il sera intéressant de voir si les opinions exprimées naguère persisteront : elles devront faire acception des sûres données de cet examen critique.

Les études sur le moyen âge, pour lesquelles l’École française de Rome offrira aux anciens élèves de l’École des chartes un si vaste domaine, y ont été inaugurées l’année dernière par un travail de M. Clédat sur les manuscrits de Bertrand de Born, décrits et classés en vue d’une édition définitive et critique des œuvres de ce troubadour, et cette année par l’achèvement d’un patient examen du manuscrit unique et autographe de la chronique de Salimbene, conservé, comme plusieurs de ceux de Bertrand de Born, à la Vaticane. Salimbene est un frère mineur de la seconde moitié du XIIIe siècle, qui raconte avec franchise et agrément les événemens de son époque. Habitant d’ordinaire le centre et le nord de l’Italie, il est bien placé pour nous parler des luttes entre le sacerdoce et l’empire. Lorsque Parme, sa ville natale, est assiégée par Frédéric II, les détails qu’il nous donne à cette occasion sont d’une particulière authenticité. Moine orthodoxe, il nous instruit des luttes entre le clergé régulier et le clergé séculier, ainsi qu’entre les divers ordres. Il vient en France, il voit saint Louis au concile de Sens, et nous laisse du roi un portrait entièrement conforme à sa réputation de modestie et de sainteté, — tout cela dans un style latin intelligent et facile. La chronique de Salimbene, si intéressante pour l’histoire de l’Italie et de la France, n’avait encore été