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Ce me sera une source de satisfactions les plus douces de voir la résolution que j’ai prise approuvée par mon parlement. »

La reine a rappelé dans son journal, le général Grey a raconté dans les Early years of the Prince consort l’accueil fait par les deux chambres à cette communication de la reine. À la chambre des lords, ce fut le duc de Somerset et lord Seaford qui se chargèrent de la rédaction de l’adresse. À la chambre des communes, le leader de l’opposition, sir Robert Peel, tint à honneur de joindre à la réponse enthousiaste des whigs les félicitations les plus ardentes, avec des vœux de bonheur tendrement et magnifiquement exprimés. Cette unanimité de sentimens n’empêcha pas la critique parlementaire de se produire en toute indépendance. Les Anglais sont gens d’affaires ; le dévoûment monarchique ne s’oppose pas du tout à un sévère examen des choses ; il y aide au contraire. Plus on est sûr de sa foi, moins on a peur des libertés qu’on s’accorde. Quelle sera la liste civile du prince-consort ? Quel rang occupera-t-il dans la hiérarchie sociale ? Voilà deux questions qui seront traitées à l’anglaise, c’est-à-dire par des esprits respectueux, mais défians et tenaces. Ce n’est point par la délicatesse que brillera cette discussion. Malgré l’enthousiasme du 16 janvier, on ne craindra pas de blesser l’auguste fiancée en diminuant le prince qu’elle a choisi. Il y aura des si, des mais, hypothèses et chicanes également déplaisantes. Les plus grands seigneurs seront les moins courtois. Le monde tory, blessé par les dames du parti whig, trouvera là une occasion de se venger, il la saisira sans scrupule. Quel est ce prince de Saxe-Cobourg ? Est-on bien sûr de ses croyances ? D’où vient que la reine, dans sa déclaration, n’en a pas dit un mot ? S’il professait la religion nationale, la reine n’eût peint gardé le silence sur un point aussi grave. « Évidemment, disent les tories, ce prince n’est pas protestant, c’est un infidèle ; quant à ses idées politiques, il est bien jeune, on le dit porté aux rêveries ; ne serait-ce pas un radical ? » Catholique et radical, c’est plus qu’il n’en faut pour irriter la vieille aristocratie britannique. Voilà sous quels auspices ont commencé les débats du parlement au sujet du mariage de la reine et de la liste civile du prince.

Ces détails sont bien étranges. La reine a permis au général Grey de les rappeler sommairement et prudemment dans le récit des Jeunes années du prince-consort. Stockmar est plus libre quand il écrit ses notes ; c’est lui surtout qu’il faut interroger. N’oublions pas d’ailleurs qu’il a été mêlé de sa personne à une bonne partie de ces débats. Il était en Allemagne pendant que le jeune prince faisait son second voyage en Angleterre ; une fois le mariage décidé, il se rendit à Londres, expressément chargé par le roi des Belges,