Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/778

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1837 ils se rendent à l’université de Bonn, suivant le programme de leur oncle, afin d’y entendre les plus illustres maîtres. Wilhelm Schlegel y enseignait la littérature, Hermann Fichte la philosophie ; à côté d’eux on admirait alors des hommes tels que Bethman-Hollweg, Löbell, Kaufmann, Perthès, d’Alten. Le prince Albert fut leur élève et leur conserva toute sa vie un souvenir reconnaissant. Un de ses condisciples, M. le prince William de Löwenstein, traçant plus tard quelques souvenirs de ces années d’études à la demande de la reine Victoria, s’exprimait en ces termes : « En 1837, j’ai eu la bonne fortune de faire connaissance avec le prince Albert de Saxe-Cobourg à l’université de Bonn. Il se distinguait entre tous les jeunes gens de l’université par son savoir, son zèle et sa parfaite bonne grâce dans les relations sociales. Il aimait par-dessus toute chose à débattre des questions de droit public et de métaphysique ; pendant nos fréquentes promenades, les principes de législation, les doctrines philosophiques, étaient l’objet de discussions sans fin… Des professeurs tels que Fichte, Perthès, Hollweg, ne pouvaient manquer d’exercer une active influence sur les juvéniles esprits de leurs auditeurs. Wilhelm Schlegel lui-même, en dépit de son extraordinaire vanité, ne sera pas aisément oublié de ceux qui ont assisté à ses leçons[1]. »

Ces études du prince Albert à l’université de Bonn, commencées en avril 1837, se prolongèrent jusqu’à la fin de l’année 1838. Le roi des Belges n’attendit pas la fin de ces épreuves pour faire part à son neveu des desseins qu’il avait formés en vue de son avenir. Le jeune prince réalisait si brillamment les espérances du roi son oncle qu’il n’y avait pas lieu de lui cacher plus longtemps la vérité, ou du moins de ne la lui laisser entrevoir qu’à demi. N’était-ce pas d’ailleurs un stimulant de plus ? n’était-ce pas surtout un moyen d’imprimer une direction plus spéciale à ses travaux ? Au mois de mars 1838, le prince étant allé passer quelques jours à Bruxelles, le roi Léopold lui annonça quelles destinées il lui préparait. Le prince s’en doutait bien un peu ; cette fois ce ne furent plus seulement des allusions de la part du roi, ce ne furent plus des promesses, des encouragemens sous forme voilée, ce fut une communication à cœur ouvert. Le prince Albert allait être décidément le fiancé de la reine Victoria.

Le monde n’en savait rien encore. Il est vrai que certains bruits, venus on ne sait d’où, commencèrent à se répandre vers ce temps-là, signalant le mariage du prince Albert et de sa cousine comme une chose décidée dans la famille des Cobourg. C’est même pour

  1. Voyez The early years of his royal highness the Prince consort, p. 169.