piémontais, il se retrouvait, malgré d’horribles souffrances, au plus épais de la mêlée de Novare. Après la triste journée, il restait définitivement dans l’armée piémontaise, et depuis il n’a cessé de grandir dans la guerre de Crimée, dans la guerre de 1859, où il conduisait une division à Palestro. C’est lui qui en 1860 avait mission d’envahir les Marches et d’aller en finir avec la dernière résistance du roi de Naples par le siège de Gaëte. En 1866 enfin, il avait le commandement d’un corps considérable de l’armée italienne qui devait essayer de pénétrer dans le quadrilatère par le bas Pô, tandis que l’armée principale attaquait de front par la ligne du Mincio. Le général Cialdini s’est trouvé ainsi mêlé en combattant plein de feu à toutes les luttes d’où est sortie l’Italie nouvelle.
Aujourd’hui il a le premier grade de l’armée, il est sénateur, il n’a jamais été ministre, quoiqu’il ait été chargé dans une circonstance difficile, au moment de Mentana, en 1867, de former un cabinet. Sans s’être engagé bien avant dans la politique, sans paraître même avoir un goût prononcé pour le pouvoir ou pour les luttes parlementaires, il est intervenu néanmoins quelquefois avec l’éloquence virile d’un soldat parlant avec éclat de ce qu’il sait. Il y a eu des jours où il a été un orateur. C’est dans tous les cas un esprit assez élevé, assez pénétré des intérêts supérieurs de son pays pour comprendre l’importance des relations permanentes, intimes de la France et d’Italie. Ce que M. Nigra a commencé, ce qu’il a poursuivi depuis seize ans, à travers bien des difficultés, dans une mission qui n’a laissé à Paris que d’heureux et affectueux souvenirs, le général Cialdini le continuera sans nul doute, et du reste c’est lui-même qui a dit à M. le président de la république, dans son audience de réception, qu’il avait l’ordre de « continuer l’œuvre de son prédécesseur. » Ce qui s’est passé depuis quelques mois, depuis que M. Nigra a été appelé à Saint-Pétersbourg, est un changement de la représentation italienne à Paris, ce n’est point un changement de l’ancienne politique que les deux gouvernemens viennent au contraire de confirmer en s’entendant pour transformer leurs légations en ambassades. M. le marquis de Noailles était naturellement désigné pour être notre ambassadeur à Rome comme il était notre ministre. M. le duc Decazes a été un moment menacé, il est vrai, d’être pris à partie par les légitimistes du sénat ou de la chambre des députés pour cet acte de cordialité à l’égard de l’Italie et du roi Victor-Emmanuel. Il n’échappera peut-être pas à une interpellation ou à quelque question indiscrète à l’occasion du budget ; il aura facilement raison de ce dernier feu d’hostilité, et notre sympathique ambassadeur à Rome fera le reste en travaillant en Italie, comme le général Cialdini à Paris, au maintien, à l’affermissement d’une fructueuse amitié entre deux pays unis par tant de souvenirs, si bien faits pour marcher d’accord au milieu de toutes les broussailles de la politique européenne du moment.