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intégrité la loi sur la liberté de l’enseignement supérieur telle qu’elle a été adoptée par la dernière assemblée. C’est là le fait sûr et certain, et ce qui n’est pas moins clair, c’est que le sénat s’est laissé aller à des préoccupations toutes politiques, à un certain entraînement de résistance, au besoin d’opposer une majorité conservatrice à une majorité accusée de céder trop aisément à ses impatiences républicaines. Assurément cette discussion qui s’est dénouée par ce qu’on pourrait appeler un vote d’immobilité et de négation, a été aussi brillante que substantielle ; elle a eu le mérite de renouveler une question presque épuisée, de la relever par le talent, par la modération et la supériorité de l’éloquence qu’ont déployée dans les deux camps M. l’évêque d’Orléans et M. le duc de Broglie, aussi bien que M. Jules Simon et M. Challemel-Lacour, M. Laboulaye et M. Wallon aussi bien que M. le ministre de l’instruction publique et M. Bertauld. Le sénat s’est piqué d’émulation, il a tenu à garder son rang vis-à-vis de la chambre des députés et à rester le premier par l’éclat, par la solidité de la discussion. Il ne s’est pas moins trompé au point de vue de la question même de la collation des grades comme au point de vue politique, et tout ce qu’on peut reconnaître, c’est que M. le duc de Broglie a été un habile séducteur en ralliant le sénat à un vote qui, sans rien ajouter à son autorité légitime, pourrait l’engager dans une voie assez périlleuse.

Que tout n’ait point été heureux dans la manière dont la question s’est présentée de nouveau devant les assemblées, c’est bien possible. Qu’on invoque le principe salutaire de la stabilité législative et qu’on s’ingénie à démontrer le danger de modifier des lois à peine votées de la veille, soit ; c’est un facile avantage qu’on peut se donner. Il ne faut cependant rien exagérer, il ne s’agit nullement de bouleverser les lois, d’introduire le caprice dans le domaine de la législation. Après tout, le gouvernement et la chambre des députés n’ont fait qu’opposer à une stabilité de quelques mois, qui n’a même pas eu le temps de se fonder, une stabilité de soixante-dix ans. En insistant trop, on laisserait croire que la dernière assemblée, avant de mourir, a voulu précisément assurer à une de ses œuvres les plus contestées le bénéfice du fait accompli. Est-ce que ce serait vraiment un acte des plus révolutionnaires de prétendre réserver à l’état un droit traditionnel considéré jusqu’ici comme inhérent à la souveraineté ? C’est se payer un peu d’une apparence que de se servir de ce prétexte de la stabilité législative. Une autre circonstance qui a été sans doute plus sérieusement nuisible à la loi nouvelle, c’est l’empressement qu’on a mis à la représenter comme une satisfaction de parti, comme un gage de bienvenue offert à la majorité républicaine. M. le ministre de l’instruction publique touchait là une corde dangereuse, il n’a pas vu qu’en défendant sa loi par un argument de ce genre il en affaiblissait l’autorité, il assimilait ce qui devait garder jusqu’au bout le caractère d’une haute revendication d’état